Page:Leblanc - La Robe d’écailles roses, 1935.djvu/154

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

« Vous ne pouvez écrire ! voilà bien des scrupules ! Est-ce donc plus mal d’écrire à un jeune homme que de se promener avec lui dans la campagne, comme vous l’avez fait hier, à ce qu’on m’a dit ? Comment ! mon fils se bat en duel à cause de vous, mon fils me quitte à cause de vous, et quand, moi, sa mère, je vous demande… Eh bien quoi ? qu’est-ce que vous avez à me regarder de la sorte ? »

Un fauteuil bousculé, un vase de fleurs renversé témoignèrent de l’irritation subite de Mme de la Vaudraye. Elle reprit brusquement :

« C’est vrai, à la fin, vous êtes énervante avec votre douceur. On est là, à vous exposer vos torts, et vous écoutez d’une si drôle de façon que l’on arrive à se donner tort à soi-même. On a toujours l’impression d’être devant vous comme devant un juge plein d’indulgence et qui vous pardonne vos fautes. C’est pourtant vous qui êtes en faute, que diable !

— Évidemment, dit Gilberte toute confuse.

— Alors, pourquoi ai-je l’air d’une accusée ?

— Mais non.

— Mais si. Vous avez beau courber la tête et j’ai beau me démener et crier, on croirait que c’est moi la coupable et que vous m’excusez. Avouez qu’il y a de quoi perdre patience. »

Il est à présumer que Mme de la Vaudraye eut peur de s’impatienter encore davantage, car elle s’en alla, sans un mot de plus.

Le lendemain, Gilberte se rendit chez elle et l’embrassa tendrement. Il n’y eut aucune allusion à leur désaccord de la veille.