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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

moi, j’ai pu vous prendre dans mes yeux et vous enfermer en moi comme un trésor, j’ai entendu votre voix, j’ai respiré votre parfum, et j’ai vécu de ce souvenir pendant des semaines, vous cherchant, vous appelant, rôdant autour du Logis, espérant une rencontre, un hasard. Oh ! ma joie quand je vous ai aperçue d’ici, un après-midi, et quand vous êtes revenue le lendemain, et chaque jour, chaque jour ! Je n’étais pas sûr, mais il me semblait que vous m’aviez vu… et alors… c’était un peu pour moi que vous reveniez.

— Je vous avais vu », fit Gilberte, sans desserrer ses mains croisées sur sa figure,

Il lui dit : « Vous pleurez ?

— Je suis si heureuse !

— Heureuse ?

— Oui, heureuse que ce soit vous.

— Gilberte, demanda-t-il, je voudrais voir vos larmes. »

Elle montra son adorable visage tout mouillé de larmes, tout souriant de larmes. Il murmura :

« Je vous aime. »

Elle parut surprise et répéta d’une voix pensive :

« Vous m’aimez… vous m’aimez… »

Il l’épiait anxieusement. Mais le clair visage s’illumina de nouveau et elle dit à Guillaume avec allégresse, comme si elle eût fait en elle la plus merveilleuse et la plus imprévue des découvertes :

« Mais vous savez, Guillaume, moi aussi je vous aime. »

Elle avait l’air d’une enfant ravie. Elle eût volontiers battu des mains, tellement l’enchantait cette vis-