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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

sur l’écorce d’un arbre, ou le vol d’un oiseau, ou une pierre qui roule ! Pour eux, c’étaient autant d’événements stupéfiants qui méritaient une halte et l’échange de quelques mots bien sentis.

La bataille d’un insecte contre une escouade de cinq fourmis qui cherchaient à l’entraîner, les retint longtemps. Qui serait vainqueur ? Gilberte, apitoyée, sauva l’insecte près de succomber. Guillaume s’écria avec un accent de conviction profonde :

« Vous êtes la créature la plus généreuse que je connaisse. »

Au pied d’un chêne, Guillaume compara de la mousse à du velours, et Gilberte s’avisa que toute la poésie du monde se résumait dans son compagnon.

À bout de réflexions originales, de remarques fines et d’admiration mutuelle, ils se turent jusqu’au débouché du bois. Une avenue de pommiers les mena parmi des ajoncs et des roches. Au bas du coteau coulait la Varenne. Après un détour, Gilberte s’exclama : « Tiens, on dirait mon jardin, de l’autre côté… mais oui… voilà le Logis… où sommes-nous donc ? »

Elle continua de marcher. On arrivait à un groupe de petits sapins. Quand ils les eurent franchis, ils se trouvèrent juste en face du pavillon en ruines, dont ils n’étaient séparés que par la largeur du vallon.

Gilberte tressaillit. Ce ressaut de la colline, ce cercle de rochers roux qui l’entouraient, ce groupe de sapins, n’était-ce point là que l’inconnu, depuis des mois…

Un flot de sentiments contraires jaillit en elle, sentiments de gratitude envers l’ami invisible, de confu-