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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

Après un instant, il reprit : « Vous tenez beaucoup à ce qu’ils reviennent, ces deux rustres ?

— Pour votre mère, oui. J’ai bien senti que cela lui faisait de la peine.

— Eh, parbleu, s’écria-t-il avec une ironie cinglante, ce sont les deux plus beaux ornements de son salon ! Que va-t-on faire sans eux ? Comment parviendra-t-on à dégoiser le nombre de niaiseries indispensable ? Pourra-t-on jamais atteindre le niveau réglementaire de ridicule, de prétention, de stupidité, d’étroitesse ? Mon Dieu ! si on allait devenir un peu moins lugubre et un peu moins inepte, quelle horreur !

— C’est mal ce que vous dites là, monsieur, prononça Gilberte.

— Comment ? fit-il interloqué,.

— Vous ne devriez pas vous moquer de ce qui est pour votre mère un grand plaisir. S’il y a dans ce milieu quelques petits travers, est-ce à vous d’en faire la remarque ? »

Il se leva, se mit à marcher avec agitation d’un bout à l’autre de la pièce, puis, se dominant peu à peu, il vint se rasseoir en face de Gilberte et murmura :

« Vous avez raison, madame. D’ailleurs, parmi tous ces gens que je ne puis me défendre de juger, je ne vous ai jamais entendu dire que des paroles raisonnables, sensées, intelligentes, admirables de bonté et de sagesse. À leurs questions les plus absurdes, vous répondez toujours comme s’ils vous avaient interrogée sur ce qu’il y a de plus intéressant dans la vie. Au