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LA ROBE D’ÉCAILLES ROSES

« Regardez-moi… Suis-je belle ? Est-ce que votre femme vous plaît, mon cher ami ? Raquin a réalisé un chef-d’œuvre… un chef-d’œuvre de bon goût et d’originalité. Ah ! la princesse Dougloff n’a qu’à bien se tenir. »

Elle rayonnait, adorable et splendide, vraiment belle, de cette beauté spéciale à laquelle les femmes les plus belles n’atteignent qu’à de certaines heures, par la grâce de certaines circonstances qui les exaltent et les transforment.

Un débordement de vie et de jeunesse la soulevait. Dans l’auto qui les conduisait, elle ne cessa de parler.

« Vous connaissez la princesse Dougloff ?

— Non.

— Moi non plus C’est une très jolie femme, dit-on… et habillée ! vous allez voir ça… il est impossible de s’habiller mieux », paraît-il.

Elle glorifiait sa rivale, doublant ainsi son propre mérite, puisqu’elle était sûre de la vaincre. La femme a le sentiment de sa beauté, comme nous avons celui de nos forces. Il y a des moments où elle se sent invincible.

Son entrée chez les Créhange fut triomphale. Elle s’accomplit dans un silence profond d’abord, puis parmi des murmures d’approbation et d’émerveillement.

« Ma chérie, s’écria Mme Créhange, vous êtes éblouissante. Et quelle robe ! Raquin, n’est-ce pas ?

— Raquin.

— Oui, mais Raquin exprimé par vous. Dieu, que vous êtes belle ! »