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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

vous respirez, c’est même votre seule présence. Pardonnez-moi… »

Il partit. Elle le vit confusément qui franchissait l’appui de la fenêtre, puis elle entendit sur le gravier du jardin ses pas qui s’éloignaient.

D’un bond, Gilberte fut à la porte du salon. Pas un instant de plus elle n’était capable de rester dans la solitude de cette pièce.

C’était une angoisse intolérable, dont elle sentait plus encore l’étreinte depuis que Simare n’était plus là. Où irait-elle ? Chez Mme de la Vaudraye ? Elle se souvint confusément qu’il n’y avait pas réception. N’importe ! il lui fallait du monde, des lumières, de l’animation, des gens auprès de qui elle dompterait sa peur et reprendrait courage.

En hâte, elle monta dans sa chambre, mit son chapeau, son vêtement. Cependant non, elle n’osait pas sortir…

Un bruit s’éleva de la place qui précède le Logis, du côté de la ville, le bruit d’une altercation, d’une lutte. Elle écarta le rideau. Deux hommes se battaient sous ses fenêtres. Effarée, elle se jeta sur le verrou, se barricada, et se blottit au fond de sa chambre. Tout son instinct, toute sa faiblesse la poussaient à se cacher, à ne pas savoir, à attendre… Mais le tumulte augmentait. C’étaient des cris, des gémissements.

Alors elle eut honte de sa lâcheté. Il lui fut impossible de demeurer plus longtemps dans cette inaction peureuse. Elle voulut intervenir, secourir, s’il en était temps encore. Bravement, elle ouvrit sa porte, descendit l’escalier, sortit sur la place et s’approcha.