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LA ROBE D’ÉCAILLES ROSES

tail qui ne heurtât point la teinte de ses gants. Et tout cela fit à Suzanne une existence très chargée, un peu bousculée même, jusqu’au jour où les Créhange donnèrent leur bal.

Lui, il travaillait, Il travaillait sans relâche, partant dès le matin pour l’usine qu’il possédait à Courbevoie, déjeunant en hâte dans son bureau et ne rentrant qu’à l’heure du dîner. Il travaillait, le front rayé de rides précoces, le visage soucieux, les épaules courbées, tourmenté par les dépenses trop lourdes de son ménage, inquiet sur l’avenir, fatigué… heureux cependant.

Et le soir vint.

Il s’habilla dans son cabinet de toilette, puis rentra dans la chambre où il trouva Suzanne coiffée, parée, prête à la lutte.

« Tenez, Suzanne, voici l’argent, Vous savez que je n’aime pas les dettes. Combien dois-je vous donner ?

— Mais, je vous l’ai dit, deux mille francs.

— Ah !… je croyais… vous deviez revendre votre robe d’écailles… »

Suzanne rougit.

« Oui, en effet… je l’ai revendue. Seulement… je ne m’étais pas trompée… elle n’avait plus aucune valeur… toute défraîchie… hors d’usage… personne n’en voudra. J’ai été encore bien contente d’en tirer soixante francs. Cela valait mieux que rien, n’est-ce pas ?

— Certes, dit-il, en déposant deux billets dans une cassette où elle serrait son argent. »

Suzanne se retourna vers lui, toute souriante déjà.