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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

IV

UNE SOIRÉE CHEZ Mme DE LA VAUDRAYE


Il serait fastidieux de dire après combien de démarches, à la suite de quelles machinations, par quelle comédie de tendresse et de faux intérêt, Mme de la Vaudraye décida Gilberte à venir chez elle. Un jour enfin, sur l’affirmation qu’elle n’y trouverait que les habitués de la maison, Gilberte promit.

Et le soir, une lanterne à la main, Adèle l’accompagna, en maugréant, par les rues désertes.

Elle était bien modeste, la demeure de celle qui restait encore, malgré sa ruine, la première dame de Domfront. Aucune apparence, pas de confort, à peine de quoi loger la mère et le fils… mais il y avait un salon, un salon somptueux, un salon auquel on avait tout sacrifié, un salon qui permettait à Mme de la Vaudraye de dire avec orgueil : « J’ai un salon… »

Et aux habitants d’affirmer en hochant la tête :

« Mme de la Vaudraye a un salon. »

Et, en disant cela, on ne pensait pas seulement aux meubles de prix entassés dans cette pièce unique, mais aussi aux notables de la ville qui l’ornaient. On n’était vraiment quelqu’un à Domfront que si l’on faisait partie du salon de Mme de la Vaudraye.

Dans son essence même et tel que le vit Gilberte, il se composait d’un bahut gothique et d’un dressoir empire, des époux Bottentuit et Charmeron et de leurs cinq demoiselles, de M. et Mme Lartiste et de leur