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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

Bouquetot dit à sa femme :

« Justement, j’ai vu la chaisière tout à l’heure en ville. Elle m’a conté que M. Beaufrelant et M. le Hourteulx étaient près du bénitier, ce matin à l’église, et puis le jeune Simare aussi. Et puis le perruquier m’a dit que le jeune Simare avait suivi madame et avait chassé des gamins qui l’entouraient. »

Après un instant de réflexion, Gilberte dit :

« Adèle, vous irez chez Mme de la Vaudraye, vous lui expliquerez comment ce bouquet et cet argent sont entre mes mains, elle m’obligera beaucoup en les retournant d’où ils viennent. Pour que les pauvres aient leur part, voici un autre billet de mille francs que je la prie de distribuer à son gré. »

L’après-midi, Gilberte resta pensive. Ces deux envois l’étonnaient. Son ignorance des usages ne lui permettait pas d’en voir l’indélicatesse et l’indiscrétion. Elle sentait pourtant qu’il y avait là quelque chose que l’on n’aurait pas dû faire.

« Qu’est-ce que cela signifie, et que veut-on de moi ? » se demandait-elle avec inquiétude.

C’était le monde qui cherchait à s’infiltrer en sa demeure paisible, en sa vie indépendante, le monde avec ses calculs, ses intrigues, ses vanités, ses empiétements sournois sur les solitaires, sa jalousie instinctive contre ceux qui savent se passer de lui.

À la nuit tombante, elle alla jusqu’au pavillon en ruines. L’inconnu était là-bas, en face, parmi les roches. Elle en fut toute rassérénée. Et pas une seconde, l’idée ne l’effleura qu’il pouvait être un des trois hommes qui lui avaient imposé leurs hommages.