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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

reflets de soleil s’attardaient aux nuages immobiles. Puis l’ombre semblait arriver de toutes parts, monter de la rivière, descendre du ciel obscurci, et suinter de la terre en brumes épaisses. Alors Gilberte rentrait.

Mais un soir, à cette minute trouble du crépuscule, elle vit, sur la pente opposée, une forme humaine qui se détachait d’un creux de rocher, et qui se glissait derrière un arbre.

Elle n’y eût guère prêté attention, si le lendemain, ses yeux s’étant dirigés de ce côté au retour de sa promenade, elle n’eût distingué, à la même place, la même forme que la veille, silhouette d’homme évidemment, mais si bien dissimulée qu’il était impossible de percevoir le moindre détail de visage ou d’habillement.

Le surlendemain, l’inconnu n’était pas là, mais il y était le jour d’après, et presque chaque jour par la suite.

Il fut facile à Gilberte de constater qu’il se glissait à travers les sapins, un peu avant son arrivée, et qu’il se retirait un peu après son départ. Il venait donc pour elle ?

Elle ne se le demanda point, contente à son insu que quelqu’un fût là, qui rêvait comme elle sans doute, quelqu’un qu’elle ne connaissait pas, qui ne cherchait pas à la connaître davantage, et à qui elle ne pensait que comme à un compagnon invisible, à un fantôme plus ou moins réel, à un caprice de son imagination. Elle n’avait pas la moindre curiosité et n’aurait jamais supposé qu’il en pût avoir la moindre à son égard. Il était là pour les mêmes raisons qu’elle