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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

argent. Ah ! l’épicier et le boulanger et les autres, ils n’ont qu’à bien se tenir… Laissez-moi faire… vous ne dépenserez plus lourd, maintenant. Et puis Bouquetot aussi est là, et mon fils Antoine, de braves gars… qui vous ont aimée tout de suite… parce que… parce que… il y a quelque chose en vous de particulier… quelque chose qui fait qu’on vous aime… malgré soi… à plein cœur… »


III

L’INCONNU


Tous les jours, quand sa tâche était finie, Gilberte se promenait dans son jardin. C’était son heure de récréation. Mais une heure plus douce la suivait qu’elle accordait à la rêverie.

En haut, et à gauche, sur un promontoire plus avancé, il y avait un rond-point où s’élevaient les ruines d’un petit pavillon. La vue s’y étendait, par-dessus des plaines fortement ondulées, jusqu’aux sombres hauteurs de Mortain. Sur la droite, l’autre versant de la vallée se dressait en une muraille de rochers roux, vêtus de bruyères et de sapins. Paysage infini par l’étendue des horizons et tout intime à la fois par ce coin de vallon resserré, d’une poésie sauvage et d’une âpreté de lande bretonne…

Le jour mourait de bonne heure en ces mois d’hiver. Gilberte attendait que les voiles de la nuit en vinssent étouffer les dernières clartés. Parfois des