Page:Leblanc - La Robe d’écailles roses, 1935.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
98
LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

gnée… alors je m’en rapporte… et puis je n’ai aucune raison pour vous soupçonner… »

De quel ton prononça-t-elle ces mots ? Qu’y eut-il de spécial dans son air ? De quel trouble inexplicable fut envahie la vieille femme, et pourquoi se jeta-t-elle aux pieds de sa maîtresse en s’écriant :

« Mais c’est une honte de tromper une personne comme madame ! mais il ne faut pas que j’aie du cœur, ni mon sacripant de Bouquetot non plus… Vous êtes donc une enfant du bon Dieu que vous ne voyez pas qu’on vous vole comme dans un bois, l’épicier, le boulanger, le boucher, et puis moi la première ? Mais lisez donc un peu mon livre, une botte de carottes, cinq francs… un malheureux poulet, quarante francs… »

Elle vida son porte-monnaie sur la table.

« Tenez, cent écus de rabiot, rien que pour ce mois-ci !… mais je ne pouvais plus depuis quelque temps, Ça me crevait le cœur de vous voir comme ça, si confiante.

— Ma pauvre Adèle, murmura Gilberte tout émue.

— Et puis… et puis… reprit la femme à voix basse et en courbant la tête, j’ai une autre confession à vous faire… Mais je n’ose pas… c’est si malpropre… Écoutez… Mme de la Vaudraye… eh bien, elle m’a placée ici pour tout lui dire sur vous… ce que vous faisiez… si vous receviez des lettres… si vous parliez à des messieurs… Et le matin, en allant à mon marché, je passais chez elle… et je disais ce que je voyais… oh ! rien de mal, puisque vous êtes une vraie sainte… n’importe… pardonnez-moi. »