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LA PITIÉ

Jacques.

Le devoir n’a pas de limites.

Robert.

Encore faut-il connaître. Voici une femme qui détruit ta vie. As-tu le droit de te sacrifier à elle ?

Jacques.

Ai-je le droit de la sacrifier à moi ? (Il fait quelques pas, puis s’arrête). Soi ! toujours soi ! Nous ne valons quelque chose que si notre âme est pénétrée et troublée par l’âme de tous, et c’est parce que Germaine souffre, que je suis devenu plus humain et plus attentif à la douleur des autres. Oh ! être bon, sentir qu’on est bon, mais véritablement bon envers quelqu’un, que l’on a pour ses insultes et ses injustices des réserves infinies de pardon, que la rancune et la haine s’éteignent en vous comme des flammes qui n’ont pas d’aliment, quelle sensation grave et profonde, quelle victoire de toutes les minutes, et quelle volupté aussi ! Voilà ce que je dois à Germaine ! N’est-ce donc rien ?

Robert.

Alors, tu restes volontairement ?

Jacques.

Oui.

Robert.

En dehors de toute faiblesse personnelle ?