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la vieille ville féodale. Le soir, l’hôtel étant plein, on nous envoya dîner chez de braves gens, le père, la mère et la fille qui nous donnèrent deux petites chambres sur les remparts. Nous étions las, Déjancourt et moi. Nous nous retirâmes de bonne heure. J’ai le souvenir d’un clair de lune merveilleux, contemplé par la fenêtre ouverte, et qui baignait de blancheur le lit et les rideaux de tulle. Le lendemain, avant que nos hôtes ne fussent éveillés, nous partîmes. Et puis c’est tout. Tu entends ? Pas autre chose. Ma mémoire n’a gardé que des images de tours et de fossés verdâtres, et que la vision de ces marais salants que venaient contempler la Béatrix de Balzac et le jeune baron du Guénic. En dehors de cela, rien. Je ne me rappelle aucun fait de cette journée, ni aucune figure. Rien.

« Et par là-dessus vingt ans, vingt ans d’une existence à laquelle tu as assisté, et où le passé avait bien peu de place, n’est-ce pas ? Déjancourt quitta Paris et voyagea. Nous correspondîmes de loin en loin. Puis toute relation cessa entre nous, à la suite d’histoires pas très jolies où il chercha à mêler mon nom. Plus tard j’appris sa mort. Et la vie continua, la vie, perpé-