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avec Marceline remonte à l’an dernier, et pas au delà. Vous êtes un homme et une femme qui vous livrez le vieux combat d’amour, et, puisque tu as la bonne fortune de connaître le secret de l’ennemi, livre-le, ce combat, hardiment et durement… au lieu de perdre ton temps à mener tout un jeu d’escrime, de feintes et de sournoiseries qui ne sert à rien en face d’un adversaire aussi défiant que Marceline. Si tu veux réussir, pas de scrupules et pas d’hésitations. Débarrasse-toi de toutes tes belles idées de morale. Tu y reviendras après, si le cœur t’en dit, et je t’approuverai. Mais, pour l’instant, commence par le commencement, qui n’a jamais rien eu à voir avec la morale. Dans les forêts d’autrefois, entre les deux éternels combattants, il n’y avait ni scrupules, ni sacrements, ni rien du tout, n’est-ce pas ? On en est toujours au même point, Vérange.

Vérange ne répondit pas. Gassereaux sourit.

— À merveille. J’ai l’impression que mon idée n’est pas neuve pour toi, et que tu as dû la retourner plus d’une fois. C’est la bonne, mon petit. En amour, quand on ne sait pas quoi faire, il faut en revenir à l’instinct primitif. C’est la grâce que je te souhaite. Adieu.

Il tendit la main à Vérange, qui observa :

— Marceline arrive bientôt…

— C’est justement pour cela que je m’en vais. Ma présence cet inutile.

— Tu ne veux pas la voir ?

— Elle, non. Mme Vérange, oui.

— En ce cas, je crains bien…

— Mais si, mais si, affirma Gassereaux, et vous serez infiniment heureux. La peur du vertige peut tourmenter une femme seule, mais non point celle qui vit avec un mari qu’elle aime. Quant à Stéphane, ne crains pas qu’il te gêne beaucoup le pauvre garçon, Entre deux amants, hélas ! l’enfant est toujours plus ou moins sacrifié.