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dans son esprit et dans sa chair même, s’était noué entre nous, vingt ans auparavant, j’en ai senti si violemment la force et la douceur que je n’ai pas consenti à le rompre. En face de cette femme dont la beauté m’apparaissait de plus en plus, dont je voyais sous mes yeux, à portée de ma main, les épaules rondes, dont j’avais contemplé non sans émoi, le premier jour, la nuque brune, je n’ai pas pu renoncer au rôle que je n’avais pas joué près d’elle, et détruire en elle la conviction de ce qui l’unissait à moi. Rôle détestable, souvenir qu’elle exécrait, Qu’importe ! Elle m’avait appartenu. Durant un éclair sa vie s’était mêlée à la mienne, par ce qui est la chose du monde la plus formidable. Or, si je parlais, ce mirage se dissipait. Si je lui disais : « Votre amant ne fut pas moi, mais l’autre », elle s’en allait. N’étant pas le père de Stéphane, je n’étais plus rien à ses yeux. Il fallait donc que Stéphane fût mon fils pour qu’elle ne me devînt pas subitement étrangère. Il le fut, et c’est par là, à la suite de ce mensonge qui continuait, dans un autre sens, le mensonge d’autrefois, que l’amour s’est insinué en