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fant que vous connaissiez à peine ? Quelques heures auparavant vous ne m’aviez jamais vue, et voilà que vous m’appeliez par mon petit nom. Cela me tourmenta. « Rentrons » répondis-je. Mais vous ne vouliez pas. « Pourquoi rentrer ? Que nous soyons ici ou dans la maison, n’est-ce pas aussi naturel ? Nous ne nous cachons pas ? » Vous auriez continué vos explications que j’étais sauvée, peut-être, car elles ne me semblaient pas justes. Mais, devinant sans doute ce qui pouvait me perdre, vous avez gardé le silence assez longtemps, et, dans ce silence, qui me parut un enchantement, tous les pauvres petits instincts de défiance naïve qu’il m’eût été possible de vous opposer, s’évanouirent. Tandis que, penché sur moi, vous me guettiez ainsi que je m’en suis rendu compte depuis, je me laissais pénétrer par toutes les ivresses de cette nuit qui se faisait votre complice. J’étais lasse, accablée, mais si heureuse ! Vous étiez un ami… Vous étiez le Prince Charmant. Le conte de fées se poursuivait. Puis vous avez chuchoté de vos vers… ceux-là mêmes que vous m’adressiez au repas. Ils se mêlaient au silence, à l’odeur des herbes et des plantes, des troènes, d’un seringa surtout,