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que j’étais, et à qui, sur le seuil même, vous avez dit gentiment : « Je vous salue, Mademoiselle pleine-de-grâce », cette jeune fille n’en savait pas plus sur la vie qu’une petite pensionnaire de dix ans. Mon père, ma mère, quelques vieux ménages, deux cousines très âgées, le notaire, le curé, tels furent les compagnons mélancoliques d’une enfance qui s’écoula tout entière à Guérande. Comme lectures, des livres pieux, ou d’anciens romans déjà lus et choisis par ma mère. Comme distraction, la messe chaque matin, les vêpres le dimanche et la promenade des Remparts. Quelquefois cependant, comme nous n’étions pas riches, on louait les deux chambres que vous avez occupées, à des voyageurs, à des dames plutôt, ou à des messieurs à cheveux blancs. On vous accueillit parce que vous aviez l’air si jeune ! et parce que tout de suite, vous aviez conquis ma mère et mon père. Et ainsi, votre ami et vous, vous fûtes les premiers qui avez apporté chez nous de la gaîté, de l’insouciance heureuse, un peu de l’air et de la vie du dehors. Vous surtout, monsieur. Votre ami me fut moins sympathique. Mais tout ce que vous disiez me faisait rire ou tressaillir. J’avais