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Valthex mit dans son intonation et dans son attitude plus de gravité encore, presque de la solennité.

— Or, sais-tu au juste quel a été le rôle de ton père dans le drame du château de Volnic ? Ce drame, tu en as entendu parler, n’est-ce pas ? ne fût-ce que par ton amant (avec quelle grimace furieuse Valthex prononça ce mot !) et tu sais qu’une dame Élisabeth Hornain, qui était ma tante, a été assassinée et dépouillée de ses bijoux. Or, sais-tu le rôle de ton père, là-dedans ?

Raoul haussa les épaules.

— Question idiote. Le marquis d’Erlemont n’a joué d’autre rôle que celui d’invité. Il se trouvait au château, voilà tout.

— C’est la version de la police. Elle diffère de la réalité.

— Et cette réalité, selon toi ?

— Élisabeth Hornain a été volée et assassinée par le marquis d’Erlemont.

Valthex proféra cette phrase en frappant du poing et en se levant. Raoul y répondit par un éclat de rire.

— Ah ! quel numéro que ce Valthex ! Un humoriste, un véritable humoriste !…

Indignée, Clara balbutiait :

— Vous mentez !… Vous mentez ! Vous n’avez pas le droit…

Valthex répéta la phrase avec plus de violence et un ton de provocation rageuse. Cependant, il parvint encore à se dominer et, reprenant sa place, il développa son accusation.

— J’avais vingt ans à cette époque-là, et je ne savais rien de la liaison d’Élisabeth Hornain. C’est dix ans plus tard que le hasard de lettres trouvées dans ma famille me révéla cette liaison, et que je me demandai pourquoi le marquis n’en avait pas soufflé mot à la justice. J’ai donc refait l’instruction à moi seul, j’ai sauté le mur du château, et qu’est-ce que j’aperçois, un matin, se promenant avec le garde et faisant une battue dans les ruines ? Jean d’Erlemont. Jean d’Erlemont,