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— Valthex ? À Berlin. Je ne l’aimais pas, mais il avait de l’influence sur moi, et je ne me défiais pas de lui… Une nuit, il m’a surprise dans ma chambre, après avoir cassé la serrure. Il a été le plus fort.

— Le misérable !… Et cela a duré ?

— Quelques mois. Puis, à Paris, il a été compromis dans une affaire. On a cerné sa chambre. J’étais avec lui, et j’ai su ainsi que c’était le grand Paul. Épouvantée, tandis qu’il se débattait, je me suis sauvée.

— Et tu t’es cachée en province ?

Après une hésitation, elle répondit :

— Oui. J’aurais voulu me reprendre et travailler, mais je n’ai pas pu. J’étais sans ressources. Alors j’ai averti le casino que je serais là.

— Mais… la raison de ta visite au marquis ?

— Une dernière fois, j’ai voulu échapper à la vie mauvaise et lui demander protection.

— De là, le voyage à Volnic ?

— Oui, et puis hier soir, seule à Paris, sur un coup de tête, je me suis rendue au théâtre… La joie de danser… et aussi le désir de ne pas manquer à mon engagement… Un engagement de huit jours, d’ailleurs. Je ne voulais pas davantage… j’avais si peur !… Et tu vois, ma peur était fondée…

— Non, dit-il, puisque j’étais là et que te voilà ici, maintenant.

Elle se blottit dans ses bras. Il murmura :

— Quelle drôle de petite fille tu fais ! Si imprévue !… si incompréhensible !…

Ils ne bougèrent pas du pavillon, ni ce jour-là, ni les deux jours qui suivirent. Ils lisaient dans les journaux tout ce qu’on publiait sur l’affaire, informations le plus souvent fantaisistes puisque, cette fois encore, la police n’obtenait point de résultats. La seule supposition qui correspondait à la réalité fut que la danseuse masquée devait être cette Clara la Blonde dont on avait parlé jadis à propos du grand Paul. Quant au nom de Valthex, il n’en fut pas question. Gorgeret et ses hommes ne découvrirent pas la personnalité véritable de leur adversaire. On ne put rien tirer de l’Arabe.

Chaque jour cependant amenait entre Raoul et son amie plus de tendresse et plus de passion. Il continuait, lui, de répondre à toutes les questions qu’elle lui posait et s’efforçait de satisfaire son inlassable curiosité. Peut-être, par contre, se renfermait-elle de plus en plus dans ce mystère où elle semblait se réfugier comme dans une retraite préférée. Sur tout ce qui était elle-même, sur son passé, sur sa mère, sur ses préoccupations actuelles, sur son âme secrète, sur ses