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Gorgeret fut de cet avis et s’éloigna. Trois minutes plus tard, tandis que l’inspecteur s’efforçait de rallier ses troupes, Raoul quitta la salle. Dehors, comme il contournait le Casino, précédant ainsi les agents, il fut rejoint par Courville, qui lui rendit compte de sa mission.

— Je viens d’entendre les ordres de Gorgeret, monsieur. Il est question de vous mettre la main au collet, et d’arrêter la danseuse masquée.

C’est cela que redoutait Raoul. Il ignorait si la danseuse était Antonine. Mais Gorgeret ne risquait rien de s’en assurer et, si c’était elle, Antonine, prise entre la police et le grand Paul, était perdue.

Il se mit à courir. Il avait peur. La physionomie dure et menaçante du grand Paul lui laissait supposer que, si le bandit se trouvait en face d’Antonine, il était capable de toutes les brutalités.

Raoul et Courville franchirent la petite entrée. « Police », dit Raoul en montrant une carte au concierge qui s’interposait. On le laissa passer.

Un escalier et un couloir le conduisirent aux loges des artistes.

Au même moment, d’une de ces loges sortit la danseuse. Pendant les ovations, elle était revenue prendre un grand châle pour la seconde partie de son numéro. Elle referma la porte à clef et se faufila parmi les habits noirs qui avaient envahi les coulisses. À sa rentrée en scène, les applaudissements crépitèrent. Raoul devina tout le public, debout, criant son enthousiasme.

Et alors, soudain, il s’avisa que le grand Paul était près de lui, bouleversé par le passage de cette femme, les poings crispés, les veines du front gonflées. À cet instant, Raoul ne doutait pas que ce fût elle, et il sentit vraiment tout le danger qui menaçait la malheureuse…

Il chercha des yeux Gorgeret. Que faisait donc cet imbécile ? N’avait-il pas compris que le champ de ba-