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— Alors… alors…, fit d’Erlemont, très ému, vous croyez vraiment réussir à ce point ?

— Un seul obstacle pourrait m’en empêcher.

— Lequel ?

— C’est que je ne sois plus de ce monde.

Raoul saisit son chapeau, dont il salua d’un geste large Antonine et le marquis et, sans dire un mot de plus, il pivota et sortit avec un certain dandinement du torse sur les hanches, qui devait lui être familier aux instants où il était plus particulièrement satisfait de lui-même.

On entendit son pas dans le vestibule, puis, peu après, la porte de la tour se refermait.

Seulement alors, le marquis secoua sa stupeur et murmura, pensif encore :

« Non…, non… on ne se confie pas ainsi au premier venu… Certes, je n’avais rien de spécial à lui dire, mais, en vérité, on ne s’associe pas à ces individus-là. »

Comme Antonine se taisait, il lui dit :

— Tu es de mon avis, n’est-ce pas ?

Elle répliqua, avec embarras :

— Je ne sais pas, parrain… je n’ai aucun avis…

— Comment, un aventurier ! un homme qui porte deux noms, qui surgit on ne sait d’où !… et qui poursuit on ne sait quel but… s’occupant de mes affaires… se moquant de la police… et n’hésitant pas cependant à lui livrer le grand Paul.

Il s’interrompit dans l’énumération des exploits de Raoul, médita durant une ou deux minutes, et conclut :

— Un rude homme, tout de même, et qui a des chances de réussir… un homme extraordinaire…

— Extraordinaire, répéta la jeune fille à demi-voix.


IX

À la poursuite du grand Paul

L’entrevue de Raoul et de Me Audigat fut brève. Le notaire posa des questions tout à fait inutiles, auxquelles Raoul riposta par des réponses aussi nettes que péremptoires. Le notaire, content de sa propre finesse et de sa clairvoyance, promit de remplir toutes formalités nécessaires dans le plus court délai.

Raoul quitta le village ouvertement, au volant de son auto, et se rendit à Vichy où il prit une chambre et dîna. Vers onze heures, il revint à Volnic. Il avait étudié les abords. Une brèche s’offrait, sur le côté, dans un mur inaccessible pour tout autre que pour lui. Il réussit à passer, se dirigea vers les ruines, et retrouva sous le lierre l’inspecteur Gorgeret dont les cordes et le bâillon n’avaient pas bougé.

Il lui dit à l’oreille :

— C’est l’ami qui, tantôt, vous a procuré ces quelques heures