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s’était refermée sur lui, et il s’évertua vainement contre la serrure.

— T’épuise pas, lui conseilla Raoul, la porte se ferme à clef toute seule. Et c’est du massif. Du bois de cercueil.

Tout bas, il dit à Clara :

— Attention, chérie, et pige-moi le procédé.

Il courut vers la partie qui restait, à droite, de l’ancien refend que l’on avait supprimé pour ne faire qu’une seule pièce.

Gorgeret, comprenant qu’il perdait son temps, et résolu à en finir par n’importe quel moyen, revenait à l’assaut en criant :

— Qu’on le tue ! il va nous échapper !

Raoul appuya sur un bouton, et, comme les agents apprêtaient leurs armes, un rideau de fer tomba du plafond, net, comme une masse, séparant la pièce en deux, tandis que les volets se rabattaient à l’intérieur.

— Couic ! ricana Raoul. La guillotine ! Gorgeret a le cou coupé. Adieu, Gorgeret.

Il prit sur le buffet une carafe et remplit d’eau deux verres.

— Bois donc, chérie.

— Allons-nous-en, fuyons, dit-elle, éplorée.

— T’en fais pas, la môme Clara.

Il insista pour qu’elle bût, et, lui-même, vida son verre. Il était très calme et ne se hâtait pas.

— Tu les entends, de l’autre côté ? Ils sont en boîte, comme des sardines. Quand le rideau tombe, tous les volets se bloquent. Les fils électriques sont coupés. C’est la nuit noire. Une forteresse imprenable de l’extérieur, et, en dedans, une prison. Hein ! c’est combiné, et ça t’épate ! Un rude type que ton Raoul !

Elle n’avait pas du tout l’air disposée à l’enthousiasme. Il lui baisa la bouche, ce qui la ranima :

— Et maintenant, dit-il, la campagne, la liberté, et le repos qui est dû aux honnêtes gens qui ont bien travaillé.

Il passa dans une petite pièce qui était l’office. Entre l’office et la cuisine, il y avait un espace, avec un placard qu’il ouvrit, et où débouchait l’escalier de la cave. Ils descendirent.

— Il faut que tu saches, pour ta gouverne, dit-il d’un ton doctrinal, qu’une maison bien comprise doit avoir trois sorties : l’une officielle ; l’autre dérobée et apparente, pour la police ; et la troisième dérobée et invisible, pour servir de retraite. Ainsi, tandis que la clique de Gorgeret surveille le garage, nous nous défilons par les entrailles de la terre. Est-ce assez combiné ? C’est un banquier qui m’a vendu ce pavillon.

Ils cheminèrent durant trois minutes, puis remontèrent un escalier qui aboutissait dans une petite maison sans meubles, aux fenêtres closes, et donnant sur une rue fréquentée.

Une grosse automobile à conduite intérieure stationnait, surveillée par Courville. Les valises et les sacs s’y entassaient. Raoul donna ses dernières instructions à Courville.

L’auto démarra vivement.

Une heure après, Gorgeret, très penaud, faisait son rapport au directeur. Ils convinrent que les communications à la presse ne parleraient pas de Lupin et que, s’il y avait eu des indiscrétions, elles seraient démenties.

Le lendemain, Gorgeret revint, de nouveau plein d’assurance, et annonça que la petite blonde, non pas Clara, mais celle qu’on avait arrêtée et relâchée, avait passé la nuit chez le marquis et venait de partir avec lui, en auto, pour un voyage.

Et, le jour suivant, il apprenait que les deux voyageurs étaient arrivés à Volnic. D’après des renseignements catégoriques, Jean d’Erlemont, déjà propriétaire de ce château depuis quinze ans, l’avait racheté lors de la deuxième vente, par l’intermédiaire d’un étranger dont le signalement correspondait à celui de Raoul.

Toutes dispositions furent prises entre Gorgeret et le directeur.