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Deux heures… Deux heures et demie…

Raoul surveillait par la fenêtre ouverte les premières blancheurs de l’aube qui luiraient au-dessus des arbres. Il se disait puérilement que, si Clara n’était pas morte, elle n’aurait pas le courage de se tuer en plein jour. Le suicide est un acte de l’ombre et du silence.

Trois heures, à l’horloge d’une église proche.

Il regarda sa montre et suivit sur le cadran la marche du temps.

Trois heures cinq… Trois heures dix…

Et soudain il tressauta.

On avait sonné à la grille de l’avenue.

Un ami ? quelqu’un qui lui apportait des nouvelles ?

En temps normal, la nuit, il se fût informé avant de presser le bouton qui ouvrait. Pourtant il ouvrit de sa chambre.

Dans l’obscurité, il ne put discerner qui entrait, qui traversait le jardin.

On monta l’escalier, à pas lents qu’il entendait à peine.

Saisi d’angoisse, il n’osa pas marcher jusqu’au seuil et se hâter vers l’événement inconnu, où il y avait peut-être un redoublement de malheur.

La porte fut poussée, d’une main qui n’avait pas de force.

Clara…


XVIII

Les deux sourires s’expliquent

La vie de Raoul — la vie d’Arsène Lupin — est sûrement l’une de celles où se sont accumulés le plus de surprises, d’incidents dramatiques ou comiques, de chocs inexplicables, de coups de théâtre opposés à toute réalité et à toute logique. Mais peut-être — et c’est l’aveu qu’en fit plus tard Arsène Lupin — peut-être l’apparition inopinée de Clara la Blonde lui causa-t-elle la stupeur la plus profonde de son existence.