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— Désormais, il semble que tu n’as plus rien à craindre. Sympathique à tous, confident de M. et Mme de Mélamare, ami de Van Houben, conseiller de Béchoux, tu es le maître de la situation. Tes desseins ? Te délivrer du passé en laissant exproprier et détruire l’hôtel de la Valnéry. Rompre définitivement avec les Martin, que tu indemniseras au moment voulu. Redevenir honnête. Épouser Arlette. Acheter l’hôtel de la rue d’Urfé. Et, de la sorte, réunir en toi les deux races ennemies et jouir, sans remords et sans appréhension, de cette demeure et de ces meubles dont les « doubles » ne seront plus prétexte à vol et à forfait. Voilà ton but.

» Un seul obstacle, moi ! moi, dont tu connais l’hostilité et dont tu n’ignores pas les sentiments pour Arlette. Aussi, par excès de prudence, et pour ne rien laisser au hasard, tu prends tes précautions et tu cherches à me compromettre. N’est-ce pas le meilleur moyen de te garantir ? N’est-ce pas te défendre que d’accuser ? Et, comme tu as eu soin d’inscrire le nom d’Arsène Lupin sur un papier que tu glisses dans la poche de la revendeuse, tu joues de cette corde nouvelle. Arsène Lupin, c’est Jean d’Enneris. Tu le proclames dans les journaux. Tu lances Béchoux contre moi. De nous deux qui gagnera la partie ? Qui des deux fera que l’autre soit arrêté le premier ? Toi, évidemment, n’est-ce pas ? Tu es tellement sûr de la victoire que tu me provoques ouvertement. Le dénouement approche. C’est une question d’heures, une question de minutes. Nous sommes l’un en face de l’autre, et sous les yeux de la police, Béchoux n’a qu’à choisir entre nous. Le danger est si pressant pour moi que je sens la nécessité de prendre du champ, comme on dit, et de t’envoyer un coup de poing bien placé.

Antoine Fagerault jeta un regard autour de lui, cherchant un soutien, une sympathie. Mais le comte et sa sœur, ainsi que Van Houben, l’observaient durement. Arlette semblait absente, Béchoux avait un air implacable de policier qui tient sa proie.

Il eut un frisson, et cependant se redressa, cherchant encore à faire face à l’ennemi.

— Tu as des preuves ?

— Vingt. Depuis huit jours, je vis dans l’ombre des Martin, que j’ai réussi à dénicher. J’ai des lettres de Laurence à toi et de toi à