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fixé. Confrontation. Interrogatoire. Par leurs réticences et leurs dénégations, Arlette et Régine déconcertent le juge d’instruction. Sur quoi surviennent la comtesse et Fagerault, et le programme continue.

— Avec Fagerault comme acteur.

— Oui, acteur irrésistible, d’une éloquence ! d’une habileté !…

— Passons. Je connais l’individu, un cabotin de premier ordre.

— Je t’assure…

— Conclusion : un non-lieu ? Le comte sera libéré ?

— Demain ou après-demain.

— Quelle tuile pour toi, mon pauvre Béchoux ! car tu es responsable de l’arrestation. À propos, comment s’est comportée Arlette ? Toujours influencée par le Fagerault ?

— Je l’ai entendue qui annonçait son départ à la comtesse, dit Béchoux.

— Son départ ?

— Oui, elle va se reposer quelque temps chez une de ses amies à la campagne.

— Très bien, dit Jean, à qui cette nouvelle fut agréable. Au revoir, Béchoux. Tâche de me fournir des renseignements sur Antoine Fagerault et sur la mère Trianon. Et laisse-moi dormir.

Le sommeil de d’Enneris consista durant une semaine à fumer des cigarettes et ne fut interrompu que par Van Houben qui lui réclama ses diamants et le menaça de mort, par Régine qui s’asseyait près de lui, et à qui il défendait de troubler ses méditations en prononçant un seul mot, et par Béchoux qui l’appela au téléphone et qui lui lut cette fiche :

« Fagerault. — Vingt-neuf ans, d’après son passeport. Né à Buenos-Ayres de parents français, décédés. Depuis trois mois à Paris, où il habite l’hôtel Mondial, rue de Châteaudun. Sans profession. Quelques relations dans le monde des courses et de l’automobile. Aucune indication sur sa vie intime et sur son passé. »

Une semaine encore, d’Enneris ne bougea pas de chez lui. Il réfléchissait. De temps à autre, il se frottait les mains avec allégresse, ou bien marchait d’un air soucieux. Enfin, un jour, il y eut un nouveau coup de téléphone.

C’était Béchoux qui l’appela d’une voix saccadée :

— Viens. Pas un instant à perdre. Rendez-vous au café Rochambeau, dans le haut de la rue Lafayette. Urgent.

La bataille commençait, et d’Enneris y alla joyeusement, en homme dont les idées sont plus claires et à qui la situation semble moins confuse.

Au café Rochambeau, il s’assit près de Béchoux qui, installé à l’intérieur contre la vitre, surveillait la rue.

— Je suppose que tu ne m’as pas dérangé pour des prunes, hein ?

Béchoux qui, en cas de réussite, se gonflait d’importance et s’étalait volontiers en périodes pompeuses, débuta :

— Parallèlement à mes investigations…

— Pas de grands mots, mon vieux. Des faits.