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Il ne restait plus rien de l’être heureux en apparence et si insouciant qu’était Antoine Fagerault. En quelques heures, il avait pris un visage de détresse et de ruine. Il tremblait de peur.

Arlette s’approcha et implora d’Enneris.

— Sauvez-le, je vous en prie.

— Il ne peut pas être sauvé, fit d’Enneris. Béchoux veille.

— Je vous en prie, répéta la jeune fille… Il vous suffit de vouloir.

— Mais c’est lui qui ne veut pas, Arlette. Il n’a qu’un mot à dire, et il refuse.

Dans un sursaut d’énergie, Antoine se releva.

— Que dois-je faire ?

— Où sont les diamants ?

Et comme Antoine hésitait, Van Houben, hors de lui, le rudoya.

— Les diamants, tout de suite !… Sinon, c’est moi qui te démolis.

— Ne perds pas de temps, Antoine, ordonna d’Enneris. Je te le répète, l’hôtel est cerné. Béchoux est en train de répartir ses hommes, et ils sont plus nombreux que tu ne crois. Si tu veux que je t’arrache à lui, parle. Les diamants ?

Il le tenait par un bras, Van Houben par l’autre. Antoine demanda :

— J’aurai ma liberté ?

— Je te le jure.

— Que deviendrai-je ?

— Tu t’en iras en Amérique. Van Houben t’enverra cent mille francs à Buenos-Aires.

— Cent mille ! Deux cent mille ! s’écria Van Houben qui aurait tout promis, quitte à ne pas tenir… Trois cent mille !

Antoine hésitait encore.

— Dois-je appeler ? dit Jean.

— Non… non… attends… voilà… Eh bien, soit… je consens.

— Parle.

À voix basse, Antoine articula :

— Dans la pièce à côté… dans le boudoir.

— Pas de blagues ! dit Jean, cette pièce est vide. Tous les meubles ont été vendus.

— Sauf le lustre. Le vieux Martin y tenait plus qu’à tout.

— Et tu as caché les diamants dans un lustre !

— Non. Mais j’ai remplacé un certain nombre des plus petits cristaux dans la couronne de dessous… un sur deux, exactement, et j’ai attaché les diamants avec de petits fils de fer, pour faire croire qu’ils étaient percés et enfilés comme les autres pendeloques du lustre.

— Bigre ! c’est rudement fort ce que tu as fait là ! s’exclama d’Enneris. Tu remontes dans mon estime.

Avec l’aide de Van Houben, il écarta la tapisserie et ouvrit la porte. Le boudoir était vide en effet. Au plafond, seulement, pendait un joli lustre du dix-huitième siècle tout en chaînettes de cristaux taillés.