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affaire où cherchent ensemble la meilleure décision à prendre.

Avant qu’ils eussent fini, Raoul se posta non loin de l’hôtel, dans un jardin public.

Vingt minutes plus tard, Félicien sortit. Il était seul.

Entre les barreaux de la clôture, Raoul nota son expression résolue. Évidemment, Félicien savait ce qu’il allait faire et se disposait à l’exécuter, point par point. Il connaissait son but et le moyen le plus sûr et le plus rapide pour l’atteindre. Aucune minute ne serait perdue.

Il se dirigea vers la partie de la ville où demeurait Georges Dugrival, mais au lieu de marcher droit à la maison, il suivit le chemin qui conduisait à la rue parallèle, celle qui bordait la cour-jardin.

« Enfin quoi ! se dit Raoul, il ne va pas escalader le mur en plein jour, et devant tous les passants et les boutiquiers du voisinage ! Il n’a pas d’échelle dans sa poche, que je sache. D’autre part, fracturer une serrure, ça ne se fait pas à ces heures-là c’est une tâche compliquée qui attire l’attention, et qui vous vaut généralement d’être mené au poste de police. »

Félicien ne semblait nullement méditer ces problèmes, s’inquiéter des obstacles et choisir entre plusieurs partis. Son allure était vive. Mais sans excès qui le fit remarquer. Il suivit le haut mur, et se planta devant la porte, une clef en mains

« Bravo ! se dit Raoul, voilà un individu plein de précautions ! Estimant que le procédé le plus simple et le plus banal pour ouvrir une porte fermée, c’est d’avoir la clef de cette porte. Il a cette clef. Monsieur rentre chez lui, tout bêtement. Qui songerait à s’en émouvoir ? »

De fait, le jeune homme tourna deux fois sa clef dans la serrure, tourna deux fois une autre clef qui actionnait le verrou intérieur, entra et disparut.

Raoul eut cette idée que, si Félicien se contentait — supposition probable — de tirer la porte sur lui. Il n’était pas impossible de la rouvrir. Crocheter une serrure qui n’est pas fermée à double tour, c’est l’enfance de l’art. Il suffit d’un crochet et d’une grande expérience. Il avait les deux. Il employa donc la méthode délibérée dont avait usé Félicien, traversa la rue, introduisit un crochet, le manœuvra… et « un second monsieur rentra chez lui, tout bêtement ».

Une moitié de la partie gauche de la cour était occupée par une construction rajoutée, sans étage, de sorte que, des fenêtres de la maison, on ne voyait pas qui entrait dans ce rez-de-chaussée, ni qui sortait.

Raoul y pénétra sans bruit. Il y avait d’abord un petit vestibule qui donnait, d’un côté, sur un vestiaire où quelques manteaux étaient accrochés, et, en face, sur une pièce isolée que s’était réservée Dugrival et qu’il avait meublée d’un vaste bureau, de casiers et de bibliothèques. Partout, des tapis.

Dans un coin, un placard ouvert, où se dissimulait un coffre-fort. À genoux devant ce coffre-fort, Félicien.

Il était tellement absorbé par son travail qu’il n’entendit pas l’arrivée prudente de Raoul, lequel, d’ailleurs, resta sur le seuil, sa tête émergeant seule de l’entre-bâillement.

En face du coffre, Félicien agit avec la même célérité. Il tourna les trois boutons sans hésiter, comme s’il connaissait le chiffre de la combinaison, et se servit d’une clef qui accomplit loyalement la tâche de telle clef destinée à tel coffre.