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mais il tenait bon, et il observait Félicien avec avidité.

Félicien n’avait pas peur. Chose étrange même, on eût dit qu’il souriait. Un sourire provocant, narquois plein de mépris et de sécurité. Était-ce possible ?

À deux mètres de lui, Jérôme Helmas s’arrêta, et gronda, par deux fois :

— Décampe… Décampe… Sinon…

L’autre haussa les épaules. Son sourire s’accentua. Il ne se mit même pas sur la défensive.

Un pas encore, et un pas. De tout l’élan de son corps puissant, Jérôme se fendit, tout en jetant son poing vers le visage qui s’offrait.

Félicien fit un mouvement de tête et s’effaça pour éviter le choc.

Jérôme fut projeté, se retourna et proféra :

— Ne bougez pas, Rolande, l’affaire est réglée.

Et une séance de boxe commença, ardente et furieuse, Félicien s’était arc-bouté sur ses jambes et ne reculait pas d’une ligne. Après un premier engagement, Jérôme dut sentir qu’il n’obtiendrait pas de décision par cette façon et il se rua sur son adversaire, le saisit à bras-le-corps et l’étreignit de toutes ses forces, usant de son poids pour le renverser.

Félicien résista un moment, plié en arrière, les reins presque rompus. Puis il céda et se laissa tomber, entraînant sur lui Jérôme Helmas.

La jeune fille se débattait toujours et criait. Raoul lui ferma la bouche.

— Taisez-vous… il n’y a rien à craindre… Si l’un d’eux sortait une arme quelconque, je suis là. Je réponds de tout.

— C’est odieux, bégaya-t-elle.

— Non… il faut que la querelle soit vidée… Il le faut…

Elle ne tarda pas à l’être. Les deux lutteurs roulèrent sur le sol et sur l’herbe poussiéreuse. Félicien donnait des signes de faiblesse, Le dénouement était proche. Mais il fut tout le contraire de ce qu’on pouvait attendre. Félicien se releva et brossa ses vêtements de la paume de sa main, tandis que Jérôme gémissait et demeurait inerte.

— Bigre, ricana Raoul, c’est rudement bien joué.

Il se hâta vers le vaincu, se pencha, et constata qu’il n’avait rien qu’une douleur au bras.

— Dans deux minutes, vous êtes debout, lui dit-il, mais je vous conseille d’en rester là… avec un pareil bougre !

Félicien s’éloignait lentement. Son visage n’exprimait ni émotion, ni plaisir, et l’on n’aurait pas cru qu’il venait de terrasser l’homme qui semblait être son rival abhorré. Il passa près de Rolande sans qu’elle lui fit un reproche et sans qu’il lui adressât la parole…

Rolande, délivrée de l’étreinte de Raoul, paraissait anxieuse et indécise. Elle regarda les deux hommes. Elle regarda Raoul et observa les alentours.

Non loin, sur la route, une auto arrivait, lentement. C’était un taxi vide qui retournait à Rambouillet. Elle héla le chauffeur, s’entendit avec lui et monta.

Jérôme, qui s’était relevé, fit un signe et monta près d’elle. Le taxi démarra.

Félicien n’eut même pas l’air d’enregistrer l’incident. Comme il se disposait à reprendre place dans sa voiture, Raoul l’apostropha :

— Tous mes compliments. Un joli coup de jiu-jitsu… classique d’ailleurs… mais si bien exécuté… la torsion du bras… Où diable avez-vous appris cela ? Et quelle maîtrise de