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portrait, et il projetait de se remettre au travail.

Raoul n’hésita plus. Trois jours plus tard, dans le pavillon où le jeune homme se reposait, il s’assit près de lui et commença :

— Je suis content de vous voir rétabli, Félicien, et j’espère que nos relations vont reprendre ici comme auparavant. Mais pour que ces relations soient plus cordiales, il nous faut parler franchement. Voici : la décision de M. Rousselain vous a mis hors de cause relativement aux faits qui se rapportent à l’instruction ouverte par lui. Mais il en est d’autres qui se rapportent plus spécialement à vous et à moi.

Et il demanda, avec une douceur amicale :

— Pourquoi ne m’avez-vous pas dit, Félicien, que vous aviez été élevé dans une ferme, par une brave paysanne du Poitou ?

Le jeune homme rougit et murmura :

— On n’avoue pas facilement que l’on est un enfant trouvé…

— Mais… avant cette époque ?…

— Je n’ai aucun souvenir qui remonte au delà. Ma mère adoptive, qui fut ma vraie mère, est morte sans rien me dire. Tout au plus, elle m’a remis une somme d’argent qui lui avait été confiée par une dame… laquelle n’était pas ma mère, paraît-il.

— Vous rappelez-vous que, dans les dernières années, un homme s’est installé à la ferme ?

-Oui… un ami… un parent, je crois…

— Comment s’appelait-il ?

— Je ne l’ai jamais su au juste, du moins, je ne me souviens pas.

— Il s’appelait Barthélemy, affirma Raoul.

Félicien eut un haut-le-corps.

— Barthélemy ?… le voleur ?… le meurtrier ?…

— Oui, le père de Simon Lorient. Depuis, cet homme ne vous a jamais perdu de vue. Il s’est tenu au courant de ce que vous faisiez à Paris et de toutes vos adresses. Et, en fin de compte, c’est lui qui vous a fait recommander à moi par un de mes amis.

Félicien avait l’air stupéfait, Raoul ne le quittait pas des yeux, attentif à tous ses gestes et à toutes ses réactions, épiant les moindres signes de sincérité ou de dissimulation.

— Pourquoi ? dit le jeune homme. Quel était son but ?

— Je l’ignore. Il est certain que Barthélemy vous a fait placer près de moi avec une certaine intention et que son fils Simon est venu ici pour que vous l’aidiez dans l’exécution de certain projet dirigé contre moi. Mais quelle intention ? Quel projet ? Je n’ai pu le découvrir. Simon Lorient n’y a pas fait allusion avec vous ?

— Non. Je ne comprends rien à tout cela.

— Par conséquent, pour ce qui est de vous, votre dessein ne fut jamais que de travailler dans cette maison ?

— Qu’y ferais-je autre chose ? demanda Félicien.

Raoul se réjouit, Félicien disait vrai. Il n’était pas complice du chantage et si, par impossible, il savait quelque chose, en tout cas il ne réclamait rien.

— Autre chose, Félicien ; Thomas Le Bouc s’accuse, n’est-ce pas ? d’être l’homme qui a été vu en barque le soir du crime et du vol. Cet aveu-là ne vous a pas étonné ?

— Pourquoi m’aurait-il étonné, dit Félicien, puisque ce n’était pas moi ? À cette heure-là, je dormais.

Mais, cette fois, l’accent n’était