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elle, mais contre mon épaule. Il pleurait.

— Il pleurait ?

— Oui. Malgré tout, il était jaloux de Jérôme Helmas et ce mariage lui était odieux. Il avait des défaillances pénibles, et c’est ainsi qu’un soir je l’ai consolé, affectueusement.

Raoul ensuite la mit au courant de cette nuit de noces dont elle ignorait les détails. Et, brusquement, se tournant vers elle, il lui dit :

— C’est vous, n’est-ce pas, Faustine ?…

— Qui, moi ?

— Oui, vous ne doutiez pas que Jérôme ne fût le coupable, vous saviez alors que Rolande le chasserait, et vous avez prévu que, dans la crainte d’une dénonciation, il rentrerait chez lui, d’abord, avant de s’enfuir ?

— Et alors ?

— Alors, vous l’avez attendu, cachée devant sa porte, et quand il l’eut ouverte, vous avez tiré… C’est bien cela, n’est-ce pas ? Car enfin, Jérôme n’était un homme à se tuer…

Sans répondre, elle désigna du doigt la ligne indistincte de l’horizon…

— C’est mon pays, là-bas… la Corse… Certains jours, on la devine d’ici. Ceux qu’on y offense n’y sont heureux que quand ils se sont vengés.

— Et vous êtes heureuse, Faustine ?

— Très heureuse. Heureuse, à cause du passé et de son dénouement. Heureuse, à cause du présent. Un riche seigneur italien m’a offert son cœur et un palais de marbre rose à Gênes.

— Mariée, par conséquent ?

— Oui.

— Vous l’aimez ?

— Il a soixante-quinze ans. Et vous, Raoul, heureux aussi ?

— Je le serais s’il ne manquait quelque chose à mon bonheur.

— Quoi donc ?

Leurs yeux se rencontrèrent, et elle rougit. Il murmura :

— Je n’ai rien oublié… de ce qui ne fut pas.

— Ce qui ne fut pas, dit-elle, n’eût peut-être pas valu ce qui aurait pu être…

Il la contempla, des pieds à la tête.

— Je n’ai rien oublié, répéta-t-il.

Après un instant, elle répliqua hardiment :

— Prouvez-le-moi.

— Vous le prouver ?

— Oui, donnez-moi une preuve que vous avez gardé le souvenir précis et le regret de ce qui ne fut pas.

— C’est plus qu’un regret, Faustine.

— Donnez-m’en la preuve.

— Pouvez-vous m’accorder un jour ? Demain, à cette heure, je vous ramène ici.

Elle le suivit jusqu’à son auto. Ils s’en allèrent, et, en une heure, il la conduisit vers les hauteurs qui dominent Nice, près du village d’Aspremont.

Un portail s’ouvrit. Elle lut le nom de la villa, sur les deux piliers :

— « Villa Faustine ».

Très touchée, elle murmura cependant :