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construction que je possède au-dessus de Nice avec un champ magnifique d’oliviers, où il vous sera loisible de me faire quelque chose de très beau et à votre goût. Donc, d’ici une quinzaine de jours, dès que vous aurez vu M. Rousselain et que l’affaire sera classée, vous irez vous installer à Nice, tous les deux, et vous passerez loin d’ici, vous en avez besoin, votre année d’attente. Je puis vous embrasser, Rolande ?

Il embrassa la jeune fille avec une affection qui le surprit, puis il embrassa Félicien, et, lui tenant les deux mains, il le regarda dans les yeux, durant quelques secondes.

— J’aurais eu peut-être d’autres choses à vous dire, Félicien. Mais nous verrons cela plus tard, si les dieux me favorisent… Et ils me favoriseront, car je le mérite.

Il l’embrassa de nouveau, et les laissa tous deux, étonnés et assez émus.



Raoul voyagea plus d’une année. Il demeura en correspondance étroite avec les deux jeunes gens. Félicien lui envoyait ses plans, lui demandait des conseils et s’habituait peu à peu à lui écrire avec plus d’abandon et de confiance. Mais Raoul pensait qu’il n’y aurait jamais entre eux de liens plus intimes.

« C’est peut-être le fils de Claire d’Étigues et le mien. Mais, est-ce que je tiens beaucoup à le savoir ? Aurais-je, même en cas de certitude, le cœur d’un père ? »

Cependant, il se réjouissait. La Cagliostro s’était vengée. Mais sa vengeance avait fait long feu et de temps en temps Raoul lui décochait de petits discours ironiques.

« Tu as raté ton coup, Joséphine Balsamo. Non seulement l’enfant — si c’est Félicien — n’est devenu ni voleur ni criminel, mais nous sommes en parfait accord, lui et moi. Tu as raté ton coup, Joséphine. »

Comme il le prévoyait, l’affaire des Clématites et de l’Orangerie fut classée. L’infortuné Thomas Le Bouc n’eut pas de chance. La découverte du vrai coupable eût dû lui ouvrir les portes de la prison. Par malheur, l’enquête révéla, d’autre part, de lourdes charges contre lui, qui l’eussent envoyé directement au bagne si une mauvaise grippe ne l’eût soustrait à ces tracas.

Au bout de quinze mois, Raoul revint en France et s’installa dans son merveilleux domaine de la Côte d’Azur, qu’il avait agrandi d’une vaste exploitation de fleurs.

Un jour, dans une des salles de jeu de Monte-Carlo, il remarqua une dame extrêmement élégante qu’entourait un groupe d’admirateurs attirés par sa beauté. Ayant réussi à se placer derrière elle, il murmura :

— Faustine…

Elle se retourna subitement.

— Ah ! vous, dit-elle en souriant.

— Oui, moi… moi qui vous cherche partout et avec tant d’acharnement !

Ils sortirent et se promenèrent devant le merveilleux paysage. Raoul lui raconta les derniers incidents et la questionna sur cette soirée où il l’avait vue sur un banc, et tenant Félicien dans ses bras.

— Non pas dans mes bras, dit-