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vois personne qui soit assez malin…

— Mais si… Mais si… murmura M. d’Averny, qui avait pris une cigarette sur la table, et l’allumait, les yeux rêveurs…

En vérité, M. Rousselain avait posé sa question sans arrière-pensée. Mais, du coup, à l’attitude de Raoul, il fut renseigné. Il était hors de doute que, tranquillement, en passant, son interlocuteur avait jugé bon de s’octroyer le trésor inutile de Philippe Gaverel. Ce qui tombe dans le fossé…

« Quel drôle d’homme ! eut l’air de dire M. Rousselain tout en voyant Raoul. Plein de délicatesse, et, avec cela, un fond inaltérable de cambrioleur. Il jouera sa vie pour le salut des autres, et il ne résistera pas à l’occasion de leur chiper leur porte-monnaie ! Vais-je lui donner la main en partant ? »

Raoul parut répondre à cette hésitation. Il dit en riant :

— À mon avis, monsieur le juge d’instruction, il faut excuser celui qui a fait ce coup-là. C’est peut-être un parfait honnête homme, qui n’aurait jamais eu l’idée de dépouiller son prochain, mais à qui la conduite du mauvais contribuable, Philippe Gaverel, enleva tout scrupule.

Et, toujours gaiement, il ajouta :

— En tout état de cause, monsieur le juge d’instruction, je crois bien que c’est là ma dernière aventure… Oui, j’ai besoin de respirer un air plus pur et de m’intéresser à de plus nobles tâches. Et puis, j’ai tellement travaillé pour les autres que j’ai bien envie de penser davantage à moi. Certes, je n’ai nullement l’intention de me retirer dans un cloître… Mais tout de même… Tenez… savez-vous, mon désir, c’est qu’on dise de moi quand je disparaîtrai : « Après tout, c’était un brave homme… Un mauvais sujet, peut-être, mais un brave homme… »

M. Rousselain lui donna la main, en partant.



— Je viens vous faire mes adieux, mademoiselle Rolande, et à vous aussi, Félicien. Mais oui, je pars… le tour du monde ou à peu près… J’ai des amis un peu partout et on me réclame… Et puis, j’ai quelques excuses à vous faire, Rolande, et je vous remercie en passant de m’épargner tout reproche… Oui, oui, je l’avoue, je suis quelque peu dans mon tort. Ce n’est pas très délicat de vous avoir dérobé, dans l’écrin, cette feuille d’aveu dont j’avais besoin pour le juge d’instruction… Et encore, si je n’avais fait que cela ! Mais non, Rolande, je connais d’un bout à l’autre toute votre nuit de noces… Si c’est possible ? Dame, j’étais aux meilleures places, aux fauteuils de balcon, et j’ai tout vu, tout entendu. Et j’étais dans le cabinet de travail de Georges Dugrival, à Caen, lorsque vous avez cambriolé le coffre-fort, Félicien. Et tant d’autres choses plus ou moins discrètes… ou indiscrètes.

» Seulement, voyez-vous, mes amis, tout cela, c’est de votre faute, Rappelez-vous Rolande, au début, vous m’avez demandé conseil, et je pouvais croire que nous marchions la main dans la main. Et puis, brusquement, le silence… Vous vous êtes détournée de l’ami qui s’offrait… Adieu, Raoul, chacun de son côté ! Et vous, Félicien, l’ai-je assez sollicitée, votre confiance ! Mais non, monsieur avait fait une petite croisière sur