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l’image de la femme nue

je fis venir comme jardiniers Rosario et deux de ses camarades. Or, un matin qu’il rangeait divers ustensiles dans la cour, il démasqua l’orifice du tunnel, s’y risqua, poussa jusqu’à la mer, et plus tard en aménagea la première partie en une galerie commode, par où, un jour, il me conduisit devant la statue.

Stéphane avança de deux pas vers Zoris, et articula :

— Et cette statue ?…

— Vous avez dû la voir en passant. C’est une statue antique, de la meilleure époque, et admirable en tous points.

— Une statue antique ?… Une statue antique ?… répéta Stéphane exaspéré.

Et, violemment, frappant du pied, il s’écria :

— C’est l’œuvre de mon père ! C’est la Vénus Impudique de Guillaume Bréhange… qui lui a été dérobée… et vous le savez bien !

— Je sais que vous cherchez cette Vénus Impudique, et que vous êtes venu dans ce domaine sur la foi d’indications mensongères. Je sais, puisque vous avez débouché dans ce pavillon, que vous avez vu la statue qui est au-dessous du dolmen, mais ce n’est pas celle que vous cherchez.

Stéphane ne put se contenir :

— Vous mentez ! Je l’ai vue !

— Vous l’avez vue, dans l’ombre d’une salle obscure.

— J’étais là quand vous l’avez éclairée vous-même, et c’est elle ! c’est l’œuvre de mon père ! C’est la statue qui a été volée au Salon de 1912, emmenée sur les côtes de Provence, ensevelie dans le souterrain par Rosario et ses complices et, dix ans plus tard, redressée par vous, Zoris.

Zoris, tremblant de rage, porta de nouveau la main à sa poche. Stéphane lui empoigna le bras.

— Pas de chantage, hein ? Si vous croyez que je me laisserai supprimer comme un imbécile ! Trois fois déjà votre acolyte Rosario, qui m’avait déjà repéré dans les rues d’Arles, — car ce ne peut être que lui — trois fois déjà Rosario a tenté de me tuer, sur votre ordre, sans doute. Vous n’y réussirez pas davantage.

Sans vergogne, il fouilla dans la poche de Zoris, et en retira l’arme qu’il jeta par la fenêtre. Puis, secouant Zoris qui chancelait, et l’appuyant au dossier d’un fauteuil :

— Toute l’affaire a été menée par vous. J’en ai l’intuition et la certitude. La lettre anonyme envoyée à mon père, c’est vous qui l’avez fait écrire. Le visiteur qui est venu le voir, la veille du jour où il s’est tué, c’était vous. Avouez-le ! Que lui avez-vous dit, ce soir-là ? dites ? Quelle