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l’image de la femme nue

giné d’autres lignes pareilles à celles-ci et dont sa mémoire avait gardé le fidèle souvenir.

— Bah ! se dit-il, en s’arrachant à cette vaine contemplation, c’est là une de ces coïncidences qui ne signifient rien. Mon père n’a jamais été en Bretagne, donc l’image n’a pas été tracée par lui. N’y pensons plus.

Il y pensa encore quand il eut rejoint sa barque, et durant la visite qu’il fit de plusieurs îles. Mais d’autres pensées le bercèrent, tandis qu’il effectuait la longue et charmante traversée qui le conduisit vers Vannes, sous un doux ciel d’automne, gris et bleu pâle.

À Vannes, il savait que l’attendait, depuis la veille, une lettre chargée de son éditeur.

On la lui remit, et il fut très surpris de trouver également un télégramme. Il n’en conçut d’ailleurs aucune inquiétude, son existence, peu compliquée en général, malgré des liaisons successives, ne laissant guère de prise au destin.

Il décacheta et lut :

« Ton père malade. Viens immédiatement. » Signé : « Docteur Gassier. »

Très pâle, il tourna distraitement le télégramme entre ses doigts, essayant de réfléchir, et comprenant peu à peu que la situation devait être grave pour qu’un tel appel lui fût adressé par un homme aussi pondéré que le docteur Gassier.

Il voulut avoir la communication téléphonique avec le docteur, mais comme on lui annonçait une heure d’attente, il ne s’y résigna pas. Il lui fallait arriver, arriver sans perdre une minute. Il courut à la gare et s’y renseigna. Un train partait pour Redon où passe l’express de Paris. Il eut juste le temps d’envoyer une dépêche au docteur, d’acheter un journal de Paris, daté de la veille au soir, et de sauter dans ce train.

Ce n’est qu’une heure après que, en première page du journal qu’il avait jeté sans l’ouvrir sur la banquette, il aperçut le nom de son père, suivi de quelques mots effrayants :

Le célèbre statuaire Guillaume Bréhange a tenté de se suicider ce matin.
On craint une issue fatale.

Il balbutia, effaré :

— Oh ! est-ce possible ?… Non… non… je ne veux pas croire…

Les mains tremblantes, les yeux mouillés de larmes, il lut, il épela plutôt, avec un effort pour comprendre, le terrifiant article.

« Ce matin, comme il entrait chez son maître, à l’heure habituelle