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XII

Séphora l’Égyptienne.

Mardi.

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… Donc, hier, à la fin de l’après-midi, j’arpentais la terrasse avec Flavie. Je savais qu’Élianthe, Irène et Lœtitia se promenaient en mer, et que Véronique faisait un tour d’une heure ou deux en Camargue. Flavie rentrant pour écrire des lettres, je l’accompagnai.

En passant, j’aperçus l’un des trois jardiniers — tous les trois sont des romanichels — qui travaillait sur l’autre côté de la terrasse, après le château.

Je pénétrai dans le vestibule, sans cesser de parler. Flavie monta chez elle, en me disant qu’elle redescendrait une heure plus tard.

Avant d’agir, j’attends quelques minutes. Les domestiques ignorent ma présence. J’ouvre doucement la porte sur un couloir qui conduit, à gauche, aux offices, à droite, au logement de Séphora.

Le bruit d’une musique me guide. Sans frapper, je me glisse dans la pièce et je referme la porte.

Tout de suite, elle a rejeté sa mandoline, et, bouleversée, elle court vers moi.

— Allez-vous-en !… Allez-vous-en !… Nous sommes surveillés…

Je lui dis calmement :

— J’en suis persuadé, mais l’on m’a vu avec Flavie, et on ne supposera pas que je l’aie quittée et que je sois venu jusqu’à vous.

— On supposera tout ! on ne veut pas que nous causions, et le château est cerné. Je n’ai pas le droit de sortir.

— C’est pourquoi je vous rejoins. Allons, rassurez-vous ! Que peut-on faire ?

— Oh ! pour moi, je m’en moque… je ne le crains pas.

Elle réfléchit, traverse vivement la pièce, et soulève le coin d’un rideau épais qui tombe devant une petite fenêtre. D’après la disposition des lieux, cette sorte de lucarne donne sur la partie latérale du château, tandis que les deux grandes portes-fenêtres, lesquelles sont closes, ouvrent sur le jardin personnel de Séphora.

La pièce est meublée à l’orientale, avec des coussins brodés d’or et d’argent, des palmiers, et de petites tables serties d’ivoire et de nacre. On y sent le tabac turc et les pastilles du sérail.

Elle revient vers moi, un peu tranquillisée.