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l’image de la femme nue

qui êtes bien l’être le plus mystérieux et le plus simple qui soit. »

« Mon cher docteur, ne pensez-vous pas que mon histoire s’appuie désormais sur une certitude absolue ? Jusqu’ici, je pouvais me demander si j’étais sur la bonne voie. Le puis-je encore, maintenant ? Est-ce que je ne sais pas, de façon irréfutable, que tous les fils de l’intrigue nouée il y a vingt ans aboutissent à ce domaine ? Certains faits, certaines impressions m’ont amené en Provence, d’autres en Camargue. N’ai-je pas aujourd’hui des preuves suffisantes pour affirmer que l’aventure marquée par le vol de la statue et par le suicide de mon père doit trouver sa solution au château d’Esmiane ? Et dois-je oublier la double tentative de meurtre dirigée contre moi le jour de mon arrivée ? Pensez à cela, cher ami ! Faut-il que ma présence soit redoutée et que l’on craigne mon enquête et mes investigations !

« Enfin, dernier argument, et qui n’est pas le moindre à mes yeux : la parenté qui existe entre la Vénus et les deux sœurs, Véronique et Lœtitia. Certes, elles ne peuvent, ni l’une ni l’autre, avoir servi de modèle puisqu’elles n’existaient pas, et non plus de modèle à la seconde épreuve de la Vénus Impudique. Mais l’artiste a été inspiré par la même vision que j’ai contemplée. Ce sont des corps de même plastique, de même exubérance, de même origine, de même idéal, créés dans la même atmosphère et sous le même soleil, sculptés par le même amour et par le même désir. Cher ami, j’affirme que la statue est quelque part dans cette région, que l’œuvre immortelle de mon père sera ressuscitée, et que ceux qui l’ont tué, lui, seront punis. Déjà, deux personnes sont mêlées à l’action je ne sais comment ; Irène Karef et Séphora. Toutes deux seront interrogées et m’apporteront de nouveaux éclaircissements, j’en suis convaincu.

« Je vous embrasse, cher ami, et vous dis toute ma joie, tout mon espoir. Le Castor attend ma lettre et moi j’attends ma divine amie fleur de beauté et de mystère. »

La divine amie ne vint pas ce jour-là. Un tendre billet, écrit la veille au soir, avertit Stéphane qu’elle courrait la Camargue dès le matin.

Il en fut interloqué. La Camargue ! Le vagabondage recommençait donc ? Les gardians aviseraient donc de nouveau la Dame errante, et ses jambes nues qui pendaient de chaque côté du cheval blanc ? Malgré lui, il se rappela les vilains racontars, les méchancetés, les cabanes où des lueurs quelquefois brillaient à travers les volets mal joints. Malgré lui, il se dit que la jeune fille qui s’était donnée à lui avait peut-être eu d’autres intrigues, inachevées celles-là… et tout à coup la douce aventure lui apparut sous une autre face.

Pensées fugitives, et qu’il n’eut pas besoin de chasser. Stéphane ignorait