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maurice leblanc

— Stéphane Bréhange.

Elle répète, en détachant les syllabes :

— Stéphane Bréhange… Bréhange, c’est le nom d’un grand sculpteur qui est mort cet hiver… Guillaume Bréhange, n’est-ce pas ?

— Mon père, dit-il. Vous ne l’avez pas connu ?

— Non.

— Vous ne l’avez jamais vu ?

— Jamais.

— Vous pourriez le jurer ?

— Oui.

— Sur quoi ?

— Sur les dieux que j’aime.

— Et qui sont ?

— Le soleil et la pluie.

— Pourtant… pourtant… dit Stéphane avec force, il y a plus d’un an que vous lui avez téléphoné aussi, et il est venu ici à votre rencontre.

— Ah ! il est venu ici ? sur un coup de téléphone de moi ? Et je l’ai vu… Je ne me rappelle pas cela…

Stéphane a l’impression qu’elle n’est pas très sûre d’être réveillée. Le songe continue-t-il ? Ou bien ces événements se sont-ils produits au cours d’une autre existence ?

— Pourquoi, dit-elle, vous ai-je demandé de venir ?

— Je ne sais pas.

— Vous ne savez pas ? Comme c’est embarrassant ! Il y a cependant une raison pour laquelle nous sommes ici, tous les deux, à onze heures du matin. Quelle est votre raison, à vous ?

— Moi, je cherche une statue.

— Ah ! fait-elle encore, avec la même intonation de surprise.

— Oui, une statue qui a été volée à mon père.

— Je sais… volée autrefois… J’ai lu cela… et j’ai vu cette femme reproduite dans l’Illustration lorsque votre père est mort, la Vénus Impudique, n’est-ce pas ? Elle était bien belle.

— Belle comme vous.

Elle sourit.

— Vous me faites beaucoup de plaisir en parlant ainsi, mais que je sois belle ou non, cela n’a pas d’importance, puisque ce n’est pas moi que vous cherchez.

— Je cherche une statue aussi belle que vous.

— Et je sais où elle est ?

— Vous ne pouvez pas ne pas le savoir.

Elle n’a pas l’air très convaincu. Néanmoins, il est visible qu’elle