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l’image de la femme nue

— Et vous avez pu lui expliquer ?…

— Rien du tout ! Je n’ai rien pu dire à ce propos… Lady Chomley ne m’avait jamais parlé de cela… Mais que c’est drôle !

La glace était rompue. Barbara allait et venait dans l’atelier comme chez elle. Elle sonna le domestique, se fit servir du porto, en avala un verre, puis un autre, ôta son vêtement et s’écria :

— Quel homme charmant que votre père ! Un grand seigneur ! Comme il a été bon pour moi ! Et si indulgent ! Il me disait souvent : « Barbara, vous êtes très belle, et il faudra que je fasse votre portrait. » Il a même commencé… Seulement, il n’a pas eu le temps de finir. J’avais un engagement. Et comme je voulais emporter l’esquisse, il a refusé, désirant s’en servir pour une œuvre importante qu’il avait en train. Mais il me promit qu’à mon retour, je n’aurais qu’à réclamer… Et… alors… je réclame…

Stéphane commençait à s’inquiéter :

— C’est votre visage qu’il avait dessiné ? Votre buste ?

— Mais non, dit-elle en riant. Un portrait grandeur nature.

De plus en plus, Stéphane sentait le danger. Tâchant d’y parer, il objecta :

— C’est que j’ignore… mon père a laissé beaucoup de dessins…

— Il a mis l’initiale de mon prénom et la date de mon départ le 10 novembre.

Ne pouvant plus se dérober, il chercha dans les cartons et, au bout d’un instant, comme malgré lui, il murmura :

— Le 10 novembre… et la lettre B… Barbara évidemment.

Il lui tendit la feuille. Elle s’écria, ravie :

— C’est moi ! c’est bien moi ! Il a retouché certaines lignes… Ainsi j’ai une gorge moins forte, plus à la mode… et des jambes un peu plus fines… Mais c’est bien moi… Quel bonheur ! Regardez, Stéphane, si c’est beau !

Stéphane regardait la copie fidèle que Guillaume Bréhange avait donnée de la femme qui était là, près de lui, et dont le parfum le grisait. Il était fort ému, mais il demeura maître de lui et Barbara, si « vamp » qu’elle fût sur l’écran, ne se douta pas de son trouble. Elle chantait victoire, montrait du doigt les beautés de son corps, et finit par rouler dans un grand papier le trésor précieux, et par s’en aller en dansant, après avoir embrassé Stéphane sur les deux joues.

— Merci, mon petit Stéphane, vous êtes un amour… Oh ! comme je suis contente !

Trois heures plus tard, Stéphane, à la fois satisfait de lui-même et un