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maurice leblanc

— Vous saviez qu’elle m’entraînerait à sa suite au château où Flavie devait arriver ?

— Oui ! oui ! oui !

Elle tenait tête à Stéphane, inflexible et provocante, malgré la peur qui croissait en elle. Lui, il marchait à petits pas, de plus en plus menaçant :

— Et après, c’est une suite de manœuvres habiles pour me détacher de Véronique… et pour me rendre amoureux, puis jaloux de Flavie… pour me pousser vers elle… jusque dans sa chambre ?

— Oui, oui, c’est bien cela ! dit-elle d’une voix triomphante.

— Et maintenant, afin que la vengeance soit bien complète, il faut que je la sache, hein ? Et vous m’annoncez avec joie cette monstrueuse vérité ! Ce que Zoris a dit au père, vous le dites au fils. Nous sommes bien d’accord, n’est-ce pas ?

Cette fois, Irène se tut. Stéphane avait recommencé son mouvement en avant et elle reculait, effrayée, devinant l’abîme derrière elle.

Elle recula ainsi jusqu’au bord de la péniche. D’un geste lent, réfléchi, il la poussa et elle tomba dans la mer, avec un grand cri.

Il resta un moment à la regarder, qui se débattait, entravée par ses vêtements. La sachant bonne nageuse, il n’éprouvait d’ailleurs aucune crainte. Mais l’angoisse et le désarroi de la misérable le réjouissaient.

Dix minutes plus tard, il s’embarquait sur le Castor avec le docteur. Enfermée dans sa cabine, ruisselante et grelottante, Irène, que Solari et son compagnon avaient secourue à temps, défaisait une de ses malles pour y chercher des vêtements secs.

Stéphane attendit quelques jours à Marseille.

Séphora, à qui il avait donné son adresse, vint l’y rejoindre et le mit au courant des derniers événements. Quand elle était rentrée, le lendemain, dans la chambre de Zoris, elle l’avait trouvé mort. Il s’était empoisonné avec de la ciguë. Le médecin-légiste, appelé de Port-Saint-Louis, certifia qu’il avait succombé à une crise cardiaque.

Par une lettre à l’adresse de Stéphane, Zoris déclarait qu’il était entièrement ruiné. Les bijoux volés à Séphora représentaient ses dernières ressources. Il avait même dû hypothéquer sur sa pleine valeur le domaine d’Esmiane. Cette ruine imminente, il l’avait confiée au père de Stéphane.

Celui-ci comprit alors les dernières paroles de son père mourant et la mission dont il avait voulu le charger à l’égard de Flavie. Il en fit le récit à Séphora et lui demanda avec une certaine hésitation :