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maurice leblanc

pendant de l’entrevue que j’ai eue avec son père… avec Guillaume Bréhange.

— Que dites-vous ? que dites-vous ? s’écria Stéphane… Ainsi vous avouez ?

— Il n’y a pas là d’aveu, jeune homme, mais un simple fait.

— C’est vous, l’individu qui lui avait annoncé sa visite ?… et qu’il a reçu un soir ?

— C’est moi. Rosario m’avait servi de secrétaire, comme d’habitude. C’est moi qui suis venu, un soir, dans son atelier.

— Et le lendemain, il se tuait…

— Il se tuait

— Par votre faute…

— Non.

— Que lui aviez-vous dit ? Qu’y avait-il entre vous ?

— De sa part, contre moi, rien. Il ne me connaissait pas.

— De votre part ?

— Une haine sans bornes.

— Pourquoi ?

— Vous le savez…

— À cause de la statue ?

— À cause de la femme… de la femme que j’aimais.

— La femme de Rome ? Celle qui lui a servi de modèle ?

— Oui.

— Cette femme vous aimait ?

— Non.

— Alors ?

— Elle m’aurait aimé. Elle m’aurait aimé, si votre père…

Il reprit, sourdement :

— Parlons net, sans phrases. Marie-Eudoxie était une honnête femme, courtisée par tous à cause de son extrême beauté. Je l’aimais en secret, mais je n’aurais pas osé lui dire mon amour. Un jour, elle a disparu, et personne ne sut ce qu’elle était devenue. Pendant des mois et des mois, je l’ai cherchée, et je finis par apprendre qu’elle s’était enfuie avec un sculpteur français, Guillaume Bréhange, qui lui avait tourné la tête. C’est à Rome que je découvris sa piste… par hasard… grâce à la rencontre d’une petite marchande de fleurs, Séphora… Marie-Eudoxie avait de nouveau disparu, lâchant son amant le sculpteur, et la petite fleuriste le consolait. Pas de mensonge, Séphora ! tu me l’as avoué. Un jour que tu essuyais ses larmes, il t’a prise, tu avais quinze ans… Que veux-tu ?… un Don Juan… un débaucheur de femmes… il t’a cueillie au passage. Une semaine plus tard, Mme Guillaume Bréhange