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maurice leblanc

Le cinquième jour, le docteur Fabre déclara que, sauf complications improbables, Flavie était hors de danger. Le surlendemain était un dimanche, il promit de revenir une dernière fois en fin d’après-midi et de prescrire un régime de convalescence.

Cette journée de dimanche, qui devait être si chargée d’événements, fut d’une douceur d’automne, allègre, toute pénétrée d’une brise qui glissait sur la mer immobile, sous un ciel pâle et reposant.

Le matin, Stéphane reçut, par l’intermédiaire de la gitane, un billet de Séphora ainsi conçu :

« Des choses inquiétantes. Soyez à deux heures et demie exactement devant la tour de l’Acropole. Si Zoris vous faisait appeler, n’y allez à aucun prix. Irène, furieuse d’être tenue à l’écart, s’en va ce soir. Vous aussi, Stéphane, il vous faudra prendre une résolution. »

— La résolution de m’éloigner et de rompre, voilà évidemment ce que Séphora envisage comme inévitable, se dit Stéphane dont cette lettre exaspéra la nervosité.

Il lui semblait qu’une atmosphère lourde pesait sur le domaine. Les spectacles qu’il avait tant admirés, il ne les voyait plus qu’à travers un voile de brume. Ces quatre sœurs, si belles et si lumineuses, cloîtrées maintenant dans leur volonté d’isolement, repliées sur elles-mêmes, lui donnaient l’impression d’ennemies qui le repoussaient de toutes leurs forces conjuguées. Devrait-il renoncer à Flavie ? La nuit merveilleuse qu’il avait connue n’aurait-elle pas de lendemain ?

Il fut exact au rendez-vous. Mais une demi-heure, une heure, s’écoulèrent, et Séphora ne vint pas.

Tourmenté par ces choses auxquelles Séphora faisait allusion dans sa lettre du matin, il arpenta fiévreusement le sentier des tours. À bien y réfléchir, les menaces ne pouvaient se produire que du côté de Zoris ou d’Irène. Là seulement, il y avait des éléments d’hostilité et de rancune.

De la clairière d’Actéon, il apercevait le toit du pavillon. Il hésita, puis, rapidement, descendit jusqu’à la porte d’entrée.

Il monta l’escalier et frappa.

— Entrez.

Il entra.

Zoris était assis dans un fauteuil, plus pâle encore qu’à l’ordinaire, l’air plus chétif sous son veston de flanelle blanche et sous la couverture qui enveloppait ses jambes et en accusait l’extrême maigreur. Près de lui, sur la table, un plateau avec des fioles, et le livre qu’il lisait, des vers de Lamartine, La Mort de Socrate.

Il sourit.