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maurice leblanc

à l’heure, j’étais à toi… J’ai été courageuse contre moi… Mais, à quoi bon ? Tu as vu, Stéphane ?… tu as vu ? Le vertige m’a étourdie… et je me suis livrée à toi sans pudeur, comme une fille…

— Comme une femme qui aime, s’écria-t-il avec exaltation. Comme une femme qui sera ma femme pour la vie. Tu t’es livrée par amour.

— Par désir, et en dehors de ma volonté. Quand on aime Dieu, on ne se donne pas ainsi.

— Quand on aime un homme qui vous aime, et qui n’a jamais aimé on se donne avec cette même joie et cette même folie.

— Pas avec cette impudeur.

— Il n’y a pas d’impudeur dans l’amour, Flavie.

— Il y en a dans le désir… et je ne réponds pas de moi… Voilà deux fois que je m’abandonne… Je n’ai pas de force. Je perds la tête… Ah ! j’ai peur de moi… J’ai peur…

Mais Stéphane la réconfortait :

— Reprends confiance. Mon amour te rendra le respect de toi-même… Ton désir ne naîtra plus qu’en réponse au mien… Et tu seras heureuse. Mais cela, c’est l’avenir, et que peux-tu craindre, puisque je ne te quitterai pas ? Tu es ma fiancée, ma pure et chère fiancée…

Il parla longtemps. Elle se laissait bercer au gré des douces phrases et des promesses apaisantes. Quand ils se levèrent, elle était conquise par l’espoir. L’un et l’autre, ils éprouvaient un grand besoin de sacrifice et un grand contentement à l’idée de ces belles fiançailles durant lesquelles la vie recommencerait dans la pudeur et la chasteté, et les mènerait vers l’union permise.

Stéphane se revêtit.

Flavie, debout près du lit, dénoua, pour le remettre, le peignoir qu’elle avait enroulé autour de ses épaules. Il admirait ses mouvements. Mais pouvait-il admirer longtemps cette chair savoureuse vers laquelle ses mains se tendaient avidement ?

Flavie rencontra ses yeux et rougit. Elle ne baissa pas les siens. Il revit le sourire insinuant de la Vénus, et elle retomba sur le lit en lui ouvrant les bras, avec des mots d’appel et un débordement de passion qui s’achevait en sanglots.

Un peu avant l’aube, Stéphane entre-bâilla la porte, et laissa la jeune femme endormie.

En passant d’une chambre à l’autre, il lui sembla qu’une silhouette se dissimulait dans l’ombre du couloir, mais, croyant à une erreur, il n’y fit pas attention. Et il traversa la chambre vide de Lœtitia et s’assura que l’échelle de corde était toujours bien fixée.