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l’image de la femme nue

dans l’étau des bras, ne pouvant ni reculer ni bouger, elle devait subir l’assaut des caresses et abandonner à l’ennemi la chair la plus sensible de son être. Ses mains épuisées, collées au front de Stéphane, ne pouvaient plus défendre le terrain conquis et, de proche en proche, l’onde du désir coulait dans ses veines, elle balbutiait :

— Quelle honte !… Quelle infamie !

Il entendit aussi, sans les distinguer, d’autres mots et d’autres insultes, qui formaient, plutôt que des expressions de désespoir, la plainte alanguie de la béatitude.

Stéphane desserra un moment son étreinte pour admirer le visage pâmé. Ce fut un tort. Elle profita du répit, et, dans un sursaut imprévu, dénoua l’enlacement, repoussa violemment la tête de Stéphane, et tomba à la renverse sur le lit. Aussitôt, elle tenta de se glisser de l’autre côté. Mais, tout de suite, il la reprenait aux épaules, la courbait, s’inclinait sur elle et cherchait ses lèvres.

— Non ! non ! cria-t-elle, je vous hais… Ah ! l’ignominie !… Je ne veux pas… J’aimerais mieux mourir !…

Elle se convulsa, comme une bête fauve qu’on veut dompter. Elle opposa vraiment une résistance implacable. Elle le mordit, le griffa, tenta l’impossible, parut lui échapper… et soudain sans transition, ouvrit les bras, s’étendit tout de son long, les bras en croix, les jambes allongées, et murmura en offrant sa bouche et tout son corps pantelant :

— Oh ! prends-moi… prends-moi… je ne peux plus… prends-moi. Tout ce que tu veux… Prends-moi, mon chéri.

Elle eut alors quelques secondes d’immobilité, et demeura dans l’attente, les paupières closes, soupirant d’une voix qui suppliait :

— Prends-moi… Fais de moi ce que tu veux… ne me laisse pas réfléchir… Prends-moi… prends-moi.

On eût dit qu’elle s’abandonnait par épuisement, comme une proie vaincue et soumise. Mais quand il joignit ses lèvres aux siennes, et qu’elle sentit son approche, elle fut secouée d’un grand frisson, se souleva vers lui, l’étreignit dans ses bras, et se livra tout entière, avec un emportement que rien n’apaisait, et une telle frénésie dans la volupté qu’elle semblait, chaque fois, atteindre aux limites mêmes où la vie va se briser.

Elle n’eut certes pas le temps de réfléchir pendant une heure. Son désir inassouvi et le désir renouvelé de Stéphane ne leur laissèrent aucun repos. Cependant, au plus fort de leurs étreintes, lorsqu’elle gémissait, entre les lèvres de Stéphane, des mots d’amour et de volupté, ses joues étaient mouillées, et il avait dans la bouche le goût amer de ses larmes.

— Prends-moi, disait-elle en pleurant et en souriant. Prends-moi… Prends-moi…