Page:Leblanc - L’Image de la femme nue, 1934.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
l’image de la femme nue

fou… Oui, oui, j’ai eu tort l’autre jour… et ce soir, ce que je fais est odieux… Mais je suis fou… je vous aime…

Elle ordonna âprement :

— Allez-vous-en !… Quelle honte ! Vous, le fiancé de Véronique…

Il protesta avec véhémence :

— Elle ne m’aime plus… elle en aime un autre…

— Ce n’est pas vrai !…

— Elle a rompu… elle me fuit… vous le savez bien.

Sans faiblir, elle répéta :

— Allez-vous-en… je vous hais… Mais partez donc !

Il fut persuadé qu’il ne disposait pas d’une minute pour la fléchir. Avant une minute, elle sonnerait, elle appellerait au secours, elle se jetterait par la fenêtre, ou se livrerait à quelque geste de démence. L’idée de cette révolte indomptable l’exaspéra. Entre elle et lui, il ne pouvait donc y avoir aucune douceur, aucun accord ? L’un devait vaincre l’autre, et tout de suite, sans répit ?

Il dit encore quelques mots, et la supplia de toute sa passion effrénée. Mais elle n’entendait pas. Elle ne cessait de proférer, d’une voix rauque :

— Allez-vous-en… je vous hais… Vous êtes un misérable…

Il avança vers l’angle du lit, et trois mètres, deux mètres au plus les séparèrent… la longueur de cette couche à laquelle, tous deux, maintenant, pensaient comme à un champ de bataille. Si elle avait seulement consenti à l’écouter, il eût cédé. Mais, à l’encontre de ce qu’il y avait en lui de généreux, il était soulevé par une volonté barbare, et rien ne pouvait plus le satisfaire que le dénouement magnifique qui lui apparaissait soudain comme possible.

De son bras qui tâtonnait, elle chercha la lampe pour l’éteindre. On se défend mieux dans la nuit. Mais elle y renonça, une seconde de distraction pouvant la perdre. Ils ne se quittaient pas des yeux, attentifs aux attaques et aux feintes. La même énergie les animait l’un contre l’autre.

Le sifflet du bateau suspendit l’agression.

Stéphane ricana :

— Il vous appelle ?…

— Qui ?

— Jean de Milly.

Elle haussa les épaules.

— Ce n’est pas lui.

— Qui, alors ?

— Séphora. Le bateau de Zoris l’a ramenée. Je l’ai vue.