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l’image de la femme nue

Durant cette période qui se prolongea jusqu’aux approches du 15 septembre, aucun élément de raison ne fit contrepoids à son désarroi. Il écrivit deux lettres à Flavie, l’une où il demandait pardon, l’autre où il lui exposait son amour en termes extravagants. Ces lettres, que remit la gitane, lui furent renvoyées sans avoir été décachetées.

Une absence d’Élianthe et de Lœtitia ne lui permit pas de chercher auprès d’elles, comme il l’eût désiré, un peu de calme et le bénéfice de la conversation. Il s’obstinait à fuir Irène Karef. Un jour, il se trouva, pour la première fois depuis la rupture de leurs relations, face à face avec Véronique, et il lui dit à brûle-pourpoint :

— Véronique, j’ai continué mes investigations avec l’aide de Séphora. Elle a dû s’éloigner contre sa volonté et reviendra, à l’insu de tous, le 15, donc vendredi prochain.

Il aurait voulu dire d’autres choses, mais lesquelles ? Il hésitait. Véronique lui parut subitement une étrangère, presque une ennemie, qui le regardait avec des yeux malveillants. Il balbutia quelques mots et ils se quittèrent.

Cette date du 15 septembre semblait à Stéphane d’une grande importance, car il comptait sur Séphora pour dévoiler des faits dont la connaissance remettrait tout en bonne place, et résoudrait tous les problèmes. Jusque-là, il fallait patienter et souffrir.

Le mardi 12, il aperçut la barque qui doublait le promontoire. Une femme ramait, sans se presser. Elle flâna devant la terrasse. La fumée d’une cigarette se courbait selon la brise. C’était Irène Karef.

Quand elle glissa le long de la péniche, les avirons relevés, elle lui dit bonjour, en souriant d’un air amical et ajouta :

On s’en va le 15 au soir… peut-être même le 14… Et l’on s’en va dans des conditions qui me paraissent singulières. Dois-je vous tenir au courant ?

Il ne remua ni ne répondit. Alors, affectant d’avoir obtenu son assentiment, elle frappa doucement l’eau de ses avirons et conclut :

— Nous sommes d’accord. Ne bougez pas d’ici. Et renoncez à faire parler la gitane ou Solari. Je me charge de tout.

Le fait qu’elle avait découvert son manège auprès de Solari et de la gitane incita Stéphane, malgré sa répugnance, à subir la direction d’Irène. Elle était au centre même de l’intrigue, et seule pouvait agir selon les circonstances.

Le mercredi 13, de bonne heure, le Castor conduisit à Marseille Élianthe et Lœtitia, et revint le soir avec Élianthe, laissant Lœtitia à Port-Saint-Louis. Stéphane passa son temps à regarder les images de la femme nue dessinées par Guillaume Bréhange. Son angoisse l’inclinait à des enfan-