Page:Leblanc - L’Image de la femme nue, 1934.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
l’image de la femme nue

où Flavie devait être assise. Des arbres la cachaient, mais Irène désigna le pavillon de Zoris dont on apercevait l’un des pignons.

À la lucarne de ce pignon, sous l’auvent du toit, apparaissaient la tête et le buste de Zoris. Ses deux coudes s’appuyaient au rebord. Il tenait une longue jumelle de marine et ne bougeait pas.

Stéphane avait tressailli. Irène lui expliqua ce qu’il avait deviné aussitôt.

— De son observatoire, il domine tout le versant et voit distinctement Flavie. Comme elle s’isole et vient lire ici chaque jour, il se poste à la même heure et ne la perd pas de vue.

Stéphane serrait les mâchoires et se cramponnait à un silence opiniâtre. Il aurait eu en mains un fusil qu’il eût abattu l’abominable Zoris. Un instant plus tard, celui-ci rentra sa tête comme au fond d’une boîte.

Irène et Stéphane entendirent, au-dessous d’eux, Flavie qui retournait au château. Irène ricana :

— Qu’est-ce que vous avez, cher monsieur ? Vous êtes livide. C’est ce spectacle qui vous met dans cet état ?

Il haussa les épaules, et, comme il repartait, elle lui dit :

— Les hommes sont bien peu perspicaces ! Moi, au bout d’un bref passage dans le domaine, j’en savais plus que vous n’en saurez jamais. Il est vrai que je me renseignais de droite et de gauche !…

— Je ne crois rien de ce que vous dites. Tous vos actes sont ténébreux, inexplicables.

Et Stéphane articula d’une voix altérée :

— Que saviez-vous ?

— Je savais que Zoris aimait Flavie.

— Quelle ignominie ! gronda Stéphane indigné.

— Il n’y a rien d’ignoble dans le fait d’aimer.

— Un vieillard comme Zoris ! un dégénéré !

— Il y a huit ans que cet amour a commencé. Zoris en avait quarante. Flavie, dix-huit. Elle n’était pas plus belle qu’aujourd’hui, mais aussi belle.

— Et il a eu l’audace !…

— Il a eu tout au plus l’audace de se déclarer et de demander la main de Flavie qui, naturellement, a refusé. Mais quand il a vu d’autres prétendants… des rivaux plus heureux…

— Taisez-vous, ordonna Stéphane… Quoi ! vous osez prétendre.

— Je ne prétends rien. Mais que s’est-il passé entre Flavie et l’explorateur Jean de Milly, durant la croisière qu’ils ont faite, tous deux, seuls avec la sœur de Jean de Milly, sur les côtes de Grèce ?

Elle eut un gémissement. Stéphane lui brisait le poignet.