XV
La victoire de Samothrace.
La vision apocalyptique par laquelle se termina son désagréable entretien avec Zoris n’impressionna pas beaucoup Stéphane. Il en parla cependant à Flavie, peu de temps après, lui disant qu’il avait cru nécessaire de rendre visite à Zoris, mais ne révélant de cette visite que quelques points secondaires :
— Ah ! oui, plaisanta Flavie. La légende du raz de marée. Cela remonte bien au delà de Zoris. À l’an mille, peut-être ! En tout cas, il est de tradition, dans la famille d’Esmiane, que le domaine finira de la sorte.
— C’est une jolie fin. Seulement, je voudrais être prévenu quelques minutes d’avance.
— Pourquoi ?
— Pour faire mes adieux aux quatre sœurs d’Esmiane.
— Pas à d’autres personnes ?
— Je n’ai plus qu’elles au monde. Flavie, Élianthe, Lœtitia et Véronique. Et c’est un monde qui me suffit.
— La première s’en va demain.
— Non, affirma-t-il.
— Comment, non ?
— Véronique ne quittant pas sa Camargue, Élianthe son bateau et Lœtitia étant invisible, que deviendrais-je si vous partiez ?
— Je dirai à Véronique de vous tenir un peu plus compagnie,
— Non, non, fit-il vivement. Chacun doit être libre.
— Alors, je suis libre de partir ?
Il hocha la tête :
— Vous n’êtes pas libre.
— Pourquoi ?
— Je ne sais pas.
C’était vrai, il ne savait pas, mais la présence de Flavie lui paraissait le complément nécessaire de tout ce qui lui plaisait à Esmiane. Il s’était accoutumé à son air plus grave, qui n’excluait pas la gaieté et l’insouciance, à sa conception plus réfléchie de la vie, qui s’accordait aussi bien avec les jeux spontanés de l’esprit. Dans le silence, elle n’avait pas la phy-