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L’AIGUILLE CREUSE

Il se domina et, avec une assurance obstinée :

— Elle oubliera ! affirma-t-il. Elle oubliera parce que je lui ai fait tous les sacrifices. J’ai sacrifié le refuge inviolable de l’Aiguille creuse, j’ai sacrifié mes trésors, ma puissance, mon orgueil… je sacrifierai tout… Je ne veux plus être rien… plus rien qu’un homme qui aime… un homme honnête puisqu’elle ne peut aimer qu’un homme honnête… Après tout, qu’est-ce que ça me fait d’être honnête ? Ce n’est pas plus déshonorant qu’autre chose…

La boutade lui échappa pour ainsi dire à son insu. Sa voix demeura grave et sans ironie. Et il murmurait avec une violence contenue :

— Ah ! vois-tu, Beautrelet, de toutes les joies effrénées que j’ai goûtées dans ma vie d’aventures, il n’en est pas une qui vaille la joie que me donne son regard quand elle est contente de moi… Je me sens tout faible alors, et j’ai envie de pleurer…

Pleurait-il ? Beautrelet eut l’intuition que des larmes mouillaient ses yeux. Des larmes dans les yeux de Lupin ! des larmes d’amour !

Ils approchaient d’une vieille porte qui servait d’entrée à la ferme.

Lupin s’arrêta une seconde et balbutia :