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L’AIGUILLE CREUSE

il s’arrêta, hésita, puis revint, pas à pas, lentement.

Le bruit doux des sanglots s’élevait comme la plainte triste d’un petit enfant que le chagrin accable. Les épaules marquaient le rythme navrant. Des larmes apparaissaient entre les doigts croisés. Lupin se pencha et, sans toucher Beautrelet, il lui dit d’une voix où il n’y avait pas le moindre accent de raillerie, ni même cette pitié offensante des vainqueurs :

— Ne pleure pas, petit. Ce sont là des coups auxquels il faut s’attendre, quand on se jette dans la bataille, tête baissée comme tu l’as fait. Les pires désastres vous guettent… C’est notre destin de lutteurs qui le veut ainsi. Il faut le subir courageusement.

Puis, avec douceur, il continua :

— Tu avais raison, vois-tu, nous ne sommes pas ennemis. Il y a longtemps que je le sais… Dès la première heure, j’ai senti pour toi, pour l’être intelligent que tu es, une sympathie involontaire… de l’admiration… Et c’est pourquoi je voudrais te dire ceci… Ne t’en froisse pas surtout… je serais désolé de te froisser… mais il faut que je te le dise… Eh bien ! renonce à lutter contre moi… Ce n’est pas par vanité que je te le dis… ce n’est pas non plus parce que je te méprise… mais vois-tu… la lutte est trop